Rapport sur les familles 2017

Vaste tour d’horizon de la situation des familles, le rapport sur les familles 2017 se ­compose d’un volet statistique, d’une vue d’ensemble des projets de réforme à l’échelle fédérale, d’une analyse des rapports cantonaux, d’un bilan de la politique dans ce domaine et d’une prise de position du Conseil fédéral.
Anna Liechti
  |  15 décembre 2017
  • Egalité
  • Famille

Le 26 avril 2017, le Conseil fédéral a adopté le rapport sur les familles 2017, qui se fonde sur trois analyses.

  • L’Office fédéral de la statistique (OFS) a mis à jour les statistiques sur la situation des familles en Suisse, les a classées par thématique et a publié l’état des lieux détaillé qui en est résulté dans sa série de publications (Office fédéral de la statistique 2017).
  • Sur la base de ces statistiques, le sociologue François Höpflinger a analysé les principaux éléments de continuité, transformations et tendances de la situation des familles en Suisse durant les dernières décennies. Sa contribution fait partie intégrante du rapport sur les familles 20171.
  • Le Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale (Bureau BASS) a comparé les rapports sur les familles, les lignes directrices et les concepts élaborés par les cantons à l’état des lieux de la politique familiale réalisé par le Conseil fédéral (Stutz et al. 2017). L’OFAS a publié le rapport de cette recherche dans sa série « Aspects de la sécurité sociale »2.

Sur la base de ces études, le rapport 2017 procède à un tour d’horizon de la situation des familles ainsi que de la politique familiale de la Confédération et des cantons, dressant ainsi un état des lieux de la politique familiale en Suisse. La prise de position du Conseil fédéral, qui y présente sa stratégie en matière de politique familiale, vient clore ce rapport.

Le présent article est consacré à l’état des lieux de la politique familiale et à la stratégie en la matière du Conseil fédéral.

La politique familiale en Suisse : état des lieux Le dernier état des lieux que le Conseil fédéral avait dressé de la politique familiale en Suisse et des possibilités d’action de la Confédération dans ce domaine datait de 2015 (Conseil fédéral 2015). Quatre champs d’action y étaient définis :

  • (1) Sécurité matérielle des familles et lutte contre la ­pauvreté des familles
  • (2) Promotion de mesures permettant de concilier vie de ­famille et exercice d’une activité lucrative
  • (3) Adaptation du droit de la famille et du droit des ­successions aux modes de vie réels
  • (4) Soutien aux familles

L’état des lieux 2017 de la politique familiale s’articule lui aussi autour de ces quatre champs d’action, en abordant trois questions : quels éléments caractérisent la situation des familles en Suisse? Dans quels domaines le Conseil fédéral et les cantons estiment-ils qu’il leur faut agir? Quelles mesures le Conseil fédéral et les cantons adoptent-ils ou envisagent-ils pour améliorer la situation des familles? Pour répondre à ces questions, le rapport tient compte du régime de compétence fédéraliste de la politique familiale, fondé sur le principe de subsidiarité. Dans les champs d’action no 1, 2 et 4, la compétence est principalement cantonale et communale. Ce n’est que dans le domaine du droit de la famille (no 3) que la Confédération dispose d’une vaste compétence législative.

L’état des lieux ne tient pas compte du niveau communal.

Sécurité matérielle et lutte contre la 
pauvreté La Suisse dispose de suffisamment de données statistiques pour porter une appréciation sur la capacité économique des familles et identifier les ménages particulièrement menacés ou touchés par la pauvreté. A la naissance d’un enfant, les dépenses (loyer, accueil extrafamilial des enfants, etc.) augmentent et les rentrées d’argent diminuent, puisque l’un des deux parents – généralement la mère – réduit son activité ou arrête de travailler. Le revenu disponible des ménages avec enfants est par conséquent inférieur à celui des ménages sans enfants. Ce sont en particulier les familles nombreuses et les femmes élevant seules leurs enfants qui sont menacées ou touchées par la pauvreté. Les mères seules ont non seulement une probabilité supérieure à la moyenne de vivre dans la pauvreté matérielle, mais elles cumulent également les problèmes sociaux : leur charge de travail – résultant de l’activité professionnelle, des tâches domestiques et des obligations familiales – est généralement élevée, leurs conditions de logement, souvent médiocres, et leurs problèmes économiques et sociaux s’accompagnent fréquemment de troubles physiques et psychiques.

Comme le fait remarquer François Höpflinger (Conseil fédéral 2017, p. 15), on observe dans ce domaine une continuité remarquable au niveau de la perception des problèmes par la société et les acteurs de la politique sociale, et des solutions proposées. Les chercheurs avaient en effet constaté dans les années 1980 déjà que les familles nombreuses et les mères célibataires étaient particulièrement touchées par la pauvreté. Les prestations complémentaires pour les familles, qui constituent l’un des instruments de lutte possibles contre la pauvreté, ont longtemps fait l’objet d’un vaste débat tant à l’échelle fédérale qu’à l’échelle cantonale. Pour l’instant, les cantons sont encore peu nombreux à les avoir introduites.

Promotion de mesures permettant de 
concilier vie de famille et exercice d’une activité lucrative Dans ce domaine, les données statistiques sont insuffisantes. Si l’on dispose de suffisamment de données sur le modèle d’activité professionnelle des mères et des pères et sur le recours aux structures d’accueil extrafamilial pour enfants, il n’existe en revanche pas, à l’échelle nationale, de relevés statistiques sur l’accueil institutionnel pour enfants et sur les conditions de travail favorables aux familles dans les entreprises. On peut estimer que les conditions dans lesquelles les parents cherchent à concilier vie professionnelle et vie familiale sont très disparates en Suisse. Bien que la Confédération et les cantons s’accordent à considérer l’amélioration des moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle comme une priorité politique, leurs avis divergent toutefois sur la façon d’atteindre cet objectif. Ainsi, la proposition de faire participer les employeurs au financement de l’accueil extrafamilial ne fait de loin pas l’unanimité parmi les cantons, pas plus que les modalités de leur contribution.

Adaptation du droit de la famille et du droit successoral aux modes de vie réels Les données recueillies dans ce domaine permettent de répondre à la question générale qui est de savoir dans quelle mesure les modèles familiaux et les modes de vie se sont pluralisés au cours des dernières décennies. Par contre, il n’existe pas de données statistiques sur des aspects concrets, tels que le nombre de parents exerçant la garde alternée3 en Suisse. Si, d’après François Höpflinger, les modes de vie et les modèles familiaux n’ont que peu évolué ces dernières années, leur diversité est en revanche bien mieux acceptée par la population.

Les réformes réalisées ces dernières années (comme les révisions du droit de l’autorité parentale, du droit sur l’entretien de l’enfant et du droit de l’adoption) tiennent compte du fait que le mariage n’est plus le seul mode de vie ou modèle familial reconnu par la société. Parallèlement, le Conseil fédéral a renoncé à soumettre au Parlement des propositions de réforme de grande portée concernant le droit de la famille.

Soutien aux familles Dans ce domaine, la situation est similaire à celle constatée à propos des mesures permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle : il n’existe aucune base légale habilitant la Confédération à établir des statistiques sur l’offre et la demande en matière d’information, de conseil, de formation et d’accompagnement des familles. Sur le plan fédéral, il n’existe donc pas de données statistiques permettant d’émettre une appréciation sur la nature, le financement, le coût, la qualité, la répartition régionale ou l’utilisation des offres non financières destinées à soutenir les familles. Une partie des cantons soulignent leur propre difficulté à avoir une vue d’ensemble des offres existant en la matière. À l’instar de l’accueil extrafamilial pour enfants, ce domaine est pris en charge par des collectivités publiques, mais également par de nombreux organismes privés, ce qui complique le recensement des offres et, partant, leur pilotage.

Pour les cantons, le soutien aux familles occupe une place de choix dans les priorités politiques. Heidi Stutz, Livia Bannwart et Victor Legler relèvent la nécessité d’une professionnalisation des prestataires et de l’instauration de bases légales au niveau des cantons pour que les offres de soutien bénéficient d’un ancrage durable et généralisé (Conseil fédéral 2017, p. 9). A défaut, les offres risquent de rester lacunaires, de ne pas présenter le niveau de qualité nécessaire et d’être la cible de restrictions budgétaires et d’abandon de tâches.

Stratégie du Conseil fédéral en matière de politique familiale En se fondant sur le dernier état des lieux de la politique familiale menée en Suisse, le Conseil fédéral reste fidèle à sa stratégie, dont l’axe prioritaire consiste à renforcer les moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle, un objectif qu’il poursuit également dans le cadre de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié4. Il accorde ce faisant la priorité aux trois mesures suivantes :

  • l’introduction de nouvelles aides financières, afin de réduire les frais de garde des enfants par des tiers grâce à l’augmentation des subventions en faveur des offres d’accueil extrafamilial pour enfants, et d’améliorer l’adéquation de l’offre d’accueil aux besoins des parents5,
  • le relèvement de la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers, afin de réduire les effets dissuasifs sur l’emploi en droit fiscal6 et
  • la suppression de la pénalisation des couples mariés afin d’inciter le conjoint qui réalise le revenu secondaire à travailler davantage7.

En octobre 2017, le Conseil fédéral a confirmé que sa stratégie en matière de politique familiale continuerait à s’articuler autour de ces axes. Il a motivé son refus de l’initiative populaire « Pour un congé de paternité raisonnable – en faveur de toute la famille » notamment par la priorité qu’il accorde au développement d’une offre d’accueil extrafamilial adaptée aux besoins des familles.

  • Bibliographie
  • Conseil fédéral (2017) : Rapport sur les familles 2017. Rapport du Conseil fédéral en réponse aux postulats 12.3144 Meier-Schatz du 14 mars 2012 et 01.3733 Fehr du 12 décembre 2001. Berne, le 26 avril 2017 : 
www.ofas.admin.ch > Politique sociale > Politique familiale > Informations de base > Rapport sur les familles > Rapport sur les familles 2017 (PDF).
  • Office fédéral de la statistique (2017) : Les familles en Suisse. Rapport statistique 2017. Neuchâtel : Office fédéral de la statistique : 
www.statistique.admin.ch > 01 – Population > Familles > Les familles 
en Suisse : Rapport statistique 2017.
  • Stutz, Heidi, Bannwart, Livia, Legler, Victor (2017) : Rapports sur les familles, lignes directrices et concepts élaborés dans les cantons (en allemand avec résumé en français) ; [Berne : OFAS]. Aspects de la sécurité sociale. Rapport de recherche no 1/17 : www.ofas.admin.ch > Publications & Services > Recherche et évaluation > Rapports de recherche.
  • Conseil fédéral (2015) : Politique familiale. Etat des lieux et possibilités d’action de la Confédération. Rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat Tornare (13.3135) « Politique de la famille » déposé le 20 mai 2015, Berne : www.ofas.admin.ch > Politique sociale > Politique familiale > Informations de base > Rapport sur la politique familiale > Rapport « Politique familiale. État des lieux et possibilités d’action de la Confédération » (PDF).
  • 1. Höpflinger, François (2017) : «Les jeunes familles dans une société en pleine mutation», dans ce numéro de Sécurité socialeCHSS, pp. 8-13.
  • 2. Stutz, Heidi (2017): «Rapports des cantons sur les familles», dans ce 
numéro de Sécurité sociale CHSS, pp. 14-19.
  • 3. Avec ce mode de garde, les parents séparés ou divorcés se partagent la garde de l’enfant de manière alternée pour des périodes plus ou moins égales. Dans le cadre de la révision du droit sur l’entretien de l’enfant, deux nouvelles dispositions concernant la garde alternée sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017, cf. art. 298, al. 2ter, et 298b, al. 3ter, CC.
  • 4. www.personnelqualifie-suisse.ch.
  • 5. Depuis le 1er février 2013, la Confédération verse des aides financières pour promouvoir la création de places d’accueil extrafamiliales, dans le cadre d’un programme d’impulsion qui prendra fin le 31 janvier 2019. De surcroît, les Chambres fédérales ont approuvé le 16 juin 2017 une modification de la loi fédérale sur les aides financières à l’accueil extrafamilial pour enfants, assortie d’un crédit d’engagement de 100 millions de francs, qui permettra pendant cinq ans à la Confédération de soutenir financièrement les cantons qui réduisent les frais à la charge des parents en augmentant les subventions cantonales et communales. La Confédération pourra également participer aux coûts de planification des projets qui visent une meilleure adéquation de l’offre d’accueil aux besoins des parents. Les nouvelles dispositions de la loi et de l’ordonnance devraient entrer en vigueur au début du deuxième semestre 2018 : www.ofas.admin.ch > Politique sociale > Politique familiale > Conciliation entre vie familiale et vie professionnelle > Accueil extrafamilial pour enfants.
  • 6. La consultation sur cet objet a pris fin le 12 juillet 2017.
  • 7. Le Conseil fédéral a l’intention de présenter aux Chambres son message sur la réforme de l’imposition du couple et de la famille au printemps 2018, en même temps que le message concernant le Projet fiscal 17.
Responsable suppléante du secteur Questions ­familiales, FGS, OFAS.
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