Les attentes envers la Confédération

À l’occasion du 60e anniversaire de la LAI, les parties prenantes s’expriment sur l’état actuel de l’AI et les développements qu’ils souhaitent dans les prochaines années.
  |  04 septembre 2020
  • Assurance-invalidité

Depuis l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI), l’intégration professionnelle et sociale des personnes en situation de handicap a été au cœur de la mission de l’AI. L’interprétation, la mise en œuvre et le développement de cette tâche ont toujours fait l’objet de discussions constructives entre les parties prenantes de l’AI et l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Ce dernier veille à une application uniforme de la loi au plan national et assure la surveillance matérielle des organes d’exécution.

Naturellement, la discussion se déroule également dans l’arène politique, où les partis reprennent les différentes positions pour influencer le processus législatif. Les parties prenantes, quant à elles, sont confrontées dans leur travail quotidien aux forces et aux faiblesses de la LAI. Elles sont donc les mieux placées pour en relever les aspects perfectibles.

Tous ces acteurs ont leurs propres attentes et objectifs pour l’AI, certains à titre de représentants des bénéficiaires de la solidarité et d’autres en tant que cotisants. La mission de la Confédération et donc de l’OFAS, en sa qualité d’autorité tutélaire, est de résoudre ces conflits d’objectifs en restant fidèle à la loi.

À l’occasion de ce 60e anniversaire, la CHSS a laissé la parole aux parties prenantes pour donner un coup de projecteur sur les accomplissements et les défis de l’AI.


Marie Baumann
Blogueuse
www.ivinfo.wordpress.com

Quels sont les points forts de l’AI aujourd’hui ? L’idée qu’un handicap ou une maladie chronique ne devrait pas (plus) forcément impliquer un risque de pauvreté pour les personnes concernées et leurs familles est essentielle pour l’indépendance, la dignité et l’autonomie de ces personnes. Malheureusement, ces dernières années, la pratique n’a pas toujours été en résonance avec le concept.

Quels sont vos souhaits envers l’AI pour la prochaine décennie ? Les personnes atteintes d’une maladie chronique ou présentant un handicap savent d’expérience quels obstacles ils doivent surmonter, de quel soutien ils ont besoin et sous quelle forme ce dernier doit leur être fourni.

  • Recourir à leur expertise devrait donc aller de soi, et ce à tous les niveaux (administration, recherche, conseil). Dès lors, seules des organisations qui impliquent des personnes handicapées dans toutes leurs démarches devraient pouvoir bénéficier de subventions octroyées en vertu de l’art. 74 LAI.
  • Pour déterminer la capacité de travail, les mêmes critères devraient être appliqués que l’atteinte soit physique ou psychique. L’évaluation doit mettre l’accent sur les limitations liées au travail et ne pas tenir compte de la façon dont l’assuré occupe son temps libre.
  • On ne devrait plus parler d’invalide, mais de personne en incapacité de gain et l’AI, souvent perçue comme une assurance pour handicapés, doit réellement devenir une assurance incapacité de gain.

À quoi l’AI devra-t-elle selon vous faire face ? Les assurés présentant une atteinte psychique constituent aujourd’hui le groupe le plus important des bénéficiaires de rente AI. Cependant, le succès de réadaptation de ces personnes se fait attendre. Tous les acteurs, non seulement l’AI, mais aussi les employeurs et les assurés doivent s’ouvrir davantage à des solutions créatives, flexibles et innovantes.


Lorenzo Brancher
Secrétaire général
adjoint, Conférence
des Chefs des départements
cantonaux de
l’économie publique
CDEP

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? Au fil des dernières révisions, l’AI est passée d’une assurance de rentes à une assurance de réadaptation. L’objectif est de promouvoir l’autodétermination et d’exploiter au mieux les potentiels. Voilà précisément ce qui fait la force de l’AI aujourd’hui. Insérer ou réinsérer les personnes souffrant d’un handicap physique ou psychique, chaque fois qu’il est possibles, est, pour les personnes concernées, indispensable et inestimable. Cette intégration sur le marché du travail est également importante d’un point de vue social ou économique. La CDEP compte parmi ses tâches celle d’aider les personnes à trouver un emploi et donc à gérer leur quotidien de manière autonome. Dès lors, les responsables cantonaux de l’économie publique bénéficient des prestations de suivi et de réadaptation de l’AI.

QU’ATTENDEZ-VOUS DE L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Les offices du travail cantonaux sont chargés d’intégrer les demandeurs d’emploi sur le marché du travail ; dans ce contexte, ils ont des liens avec l’AI. Il faut continuer d’améliorer l’échange de savoir-faire et la coordination aux interfaces entre l’AC et l’AI, qu’il s’agisse de contacts directs ou institutionnels via la CII.

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE FAIRE FACE ? Réinsérer les personnes atteintes dans leur santé psychique restera un défi. Mais les mesures de détection précoce et de suivi décidées par l’actuel développement continu de l’AI, de même que le soutien accordé aux employeurs, donneront une réelle chance aux assurés de réintégrer le marché du travail.


Yvonne Gilli,
Membre du comité
central de la FMH,
responsable du département
Numérisation/
eHealth

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? L’AI intensifie les efforts déployés pour la détection précoce d’une invalidité imminente et pour la prise rapide de mesures visant la réadaptation sur le marché primaire du travail. Le corps médical approuve clairement cette orientation. La réforme en cours vise à combler les lacunes encore existantes, en particulier dans le soutien des jeunes lors du passage à la vie active et dans l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques. De l’avis du corps médical, cette évolution est juste et importante.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Les médecins travaillent pour ou au nom de l’assurance-invalidité à différents titres. Ils réalisent des expertises ou tâchent de détecter de manière précoce une invalidité imminente. En qualité de généralistes ou de spécialistes, ils accompagnent les personnes concernées sur la voie de la réadaptation sur le marché primaire du travail. Enfin, ils soutiennent leurs patients dans les démarches pour obtenir une rente. Les expériences et les souhaits sont également très divers. Leurs principales attentes : la reconnaissance à sa juste valeur de l’expertise médicale, le respect des droits des patients et du secret médical, ainsi que la protection des données particulièrement sensibles. Mais les médecins appellent également de leurs voeux une communication aussi transparente que possible,  permettant d’éviter les difficultés administratives.

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE SELON VOUS FAIRE FACE ? Garantir le financement durable des assurances sociales, dont l’AI constitue un pilier essentiel, représentera un défi encore plus grand à l’avenir. Il faut que la société se montre solidaire et soit prête à octroyer des prestations aux personnes les plus faibles et qui en ont le plus besoin. Parallèlement, sur le marché primaire du travail, la pression à la performance augmente pour les salariés. Les personnes en situation de handicap sont doublement touchées. D’une part, il est toujours plus difficile pour elles de trouver une place sûre sur le marché du travail. D’autre part, elles sont les premières dans le viseur lorsque des prestations de l’AI sont supprimées dans le cadre de programmes d’austérité dictés par une logique purement économique. D’un point de vue médical, cette pression peut avoir des effets néfastes pour la santé. Tout l’enjeu est d’octroyer des prestations adaptées aux personnes qui en ont besoin, sans aggraver involontairement leur situation en limitant leurs moyens d’existence. Il convient de placer l’être humain au centre ; pour cela, tous les acteurs doivent faire preuve d’une certaine flexibilité.


Marc Moser
Responsable de
communication,
Inclusion Handicap

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? L’objectif premier de l’AI fait aussi sa force : assurer, de concert avec les prestations complémentaires, la subsistance des personnes handicapées qui ne peuvent travailler, ou alors seulement à temps partiel. En outre, elle contribue grandement à l’intégration sur le marché du travail. Autre point fort, le financement d’offres destinées aux personnes handicapées. Notre service de consultation juridique, par exemple, répond à une forte demande. Il est important que les assurés disposent d’informations juridiques et, au besoin, d’un représentant.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Le domaine de la réadaptation pourrait être amélioré. À l’issue des mesures de réadaptation professionnelle, seule une toute petite partie des assurés ont un revenu leur permettant de vivre, alors même que l’AI considère qu’ils sont réinsérés. Il faudrait impliquer plus fortement les employeurs, et de manière plus contraignante. Nous aimerions en particulier que l’AI veille à l’équité et à la neutralité des procédures s’appliquant aux assurés. En effet, ce n’est pas toujours le cas (pensons aux expertises partiales et aux obligations de résultats des offices AI).

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE SELON VOUS FAIRE FACE ? Le système de l’AI est fondé sur une vision dépassée des personnes handicapées, et reste trop axé sur les déficiences. La Convention relative aux droits des personnes handicapées est en vigueur en Suisse depuis 2014. Elle vise à promouvoir l’indépendance et les capacités de ces personnes et à leur permettre de participer pleinement à la société. Adapter l’AI aux exigences de la Convention sera, selon nous, une gageure.


Gabriela Medici
Secrétaire centrale,
Union syndicale suisse
USS

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? L’AI se distingue par son ambition, qui est de couvrir pour toute la population les conséquences financières de l’invalidité, comme l’AVS pour les retraites. Le fait qu’elle poursuit ses objectifs principalement par la réadaptation des personnes en situation de handicap sur le marché du travail constitue aussi une force. Enfin, l’AI connaît un mécanisme de financement éminemment solidaire dont il faut se féliciter.

QU’ATTENDEZ-VOUS DE L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Actuellement, il apparaît que les conditions d’accès aux mesures de l’AI et le montant des prestations octroyées ne sont pas toujours en adéquation avec les objectifs constitutionnels et légaux. L’accès aux prestations de l’AI est de plus en plus difficile : longues procédures, expertises peu transparentes, pris en compte restrictive des capacités réduites – surtout dans le domaine des risques psychosociaux. En outre, le montant des prestations versées ne permet souvent pas de couvrir les besoins vitaux : près de la moitié des bénéficiaires de rentes AI dépendent des prestations complémentaires.

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE SELON VOUS FAIRE FACE ? L’expérience le montre : plus l’AI intervient tôt et de façon globale, meilleure est la situation de l’assuré. Il est crucial d’intégrer sur le marché du travail des personnes dont la capacité de travail est limitée pour des raisons médicales, mais l’intégration est encore insuffisante. Car les employeurs n’ont pas tenu les promesses qu’ils ont faites à l’occasion des dernières révisions de l’AI, à savoir fournir sur une base volontaire des emplois adaptés. Il reste à faire la preuve que les nouvelles mesures permettront d’améliorer la réadaptation au poste de travail.


Hans-Ulrich Bigler
Directeur Union suisse
des arts et métiers
USAM

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? L’AI se base sur le principe selon lequel la réadaptation prime la rente. Ce sont précisément les mesures visant à la réadaptation qui profitent le plus à l’économie. Ces mesures, qui permettent de conserver une expérience et un savoir-faire précieux, prennent d’autant plus d’importance que la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée s’accentue. Naturellement, elles permettent aussi de réaliser des économies. Mais le succès de la réadaptation est surtout primordial pour les personnes concernées, qui souhaitent rester sur le marché du travail.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Ce que l’AI a réalisé jusqu’ici en matière de réadap-tation est précieux et louable. Cependant, comme partout, il y a un potentiel d’optimisation. L’AI doit en permanence s’adapter au monde du travail, qui devient toujours plus dynamique, et se montrer encore plus souple pour répondre aux besoins des entreprises. Il est important aussi d’intensifier la lutte contre les abus, qui sapent la confiance à l’égard des assurances sociales et leur causent des dommages durables. Certes, l’AI lutte déjà contre les abus, mais ces efforts doivent être intensifiés.

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE SELON VOUS FAIRE FACE ? Dans le cadre de la révision 6b de I’AI, le Conseil fédéral et l’administration avaient déclaré qu’il serait possible de renoncer à d’autres mesures d’économie et d’assurer le redressement financier de l’assurance sans la moindre réduction de prestation. Cependant, le résultat de répartition négatif de 383 millions de francs en 2019 contredit cette assertion. Les responsables de l’AI doivent tout mettre en oeuvre pour tenir leurs engagements et faire en sorte de redresser les finances de l’AI sans recettes supplémentaires.


Silvia Marti
Cheffe de projet,
Conférence suisse des
directrices et directeurs
cantonaux de la santé
CDS

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE ? L’assurance-invalidité est l’un des piliers du système de sécurité sociale en Suisse. Du point de vue de la CDS, elle constitue, avec l’assurance obligatoire des soins et l’assurance-accidents, un filet de sécurité important.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AIPOUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Au cours de la session d’été 2020, le Parlement a adopté le projet de développement continu de l’assurance-invalidité. Sur la base de la modification de la loi, le Conseil fédéral peut désormais adap-ter l’ordonnance concernant les infirmités congénitales ainsi que la liste de ces dernières. Dans son message, il avait notamment annoncé que certaines maladies rares devaient être inscrites dans la liste, ce dont la CDS se réjouit. Parallèlement, le Conseil fédéral estime qu’il y a lieu d’actualiser la liste par l’élimination des éléments obsolètes et bénins, qui seront pris en charge par l’assurance-maladie. La CDS plaide à cet égard pour une certaine prudence : il s’agit de limiter au maximum les charges des personnes concernées et de leurs familles, ainsi que des caisses maladie et des cantons.

SELON VOUS, À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE FAIRE FACE ? Les traitements et la prise en charge sont de mieux en mieux adaptés aux besoins individuels. C’est une évolution positive, mais la tâche de l’AI devient ainsi plus complexe. Les questions de délimitation constituent un autre défi. À partir de quand les personnes en incapacité de travail en raison d’une atteinte psychique relèvent-elles du champ de compétences de l’AI et quand peuvent-elles participer à des mesures d’insertion sur le marché du travail ? Quelles sont les prestations destinées aux enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme qui doivent être prises en charge par l’AI, et lesquelles par les directions cantonales de l’éducation ou des affaires sociales ?


Urs Dettling
Membre de la direction,
Pro Infirmis

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? Pour les personnes en situation de handicap, l’AI est un pilier essentiel de la sécurité sociale. Elle prend en charge certains coûts dus au handicap, par exemple pour les moyens auxiliaires ou les mesures d’ordre professionnel, et elle contribue à garantir le minimum vital. Par le biais des subventions qu’elle verse à des organisations de l’aide privée aux personnes handicapées, l’AI assure un service de consultation sociale et d’autres prestations en faveur des personnes concernées. Elle pourrait encore valoriser ces points forts en améliorant la qualité de ses prestations et en les adaptant davantage aux besoins des assurés.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Notre organisation souhaiterait avant tout que l’AI améliore certaines prestations, par exemple en ce qui concerne les coûts généraux occasionnés par le handicap ou dans le domaine des contributions d’assistance. L’AI devrait aussi, en coopération avec les cantons, garantir le droit des personnes handicapées à l’autodétermination en matière de logement par l’introduction d’une allocation directe à la personne. Enfin, en menant une stratégie nationale en matière de handicap et de politique sociale, elle devrait permettre aux organisations de l’aide privée aux personnes handicapées de fournir des prestations adaptées aux besoins.

SELON VOUS, À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE FAIRE FACE ? Les personnes en situation de handicap font les frais de l’importante dette de l’AI qu’invoquent les milieux politiques pour s’opposer à un développement ciblé des prestations. À la lumière de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, il faudrait découpler l’AI et l’AVS (notamment pour ce qui est de la dette et du montant des rentes). Dans une optique sociopolitique, l’AI devrait définir des prestations susceptibles de garantir une politique d’inclusion cohérente.


Florian Steinbacher
Président de la
Conférence des Offices
AI COAI

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? La plus grande force de l’AI est d’être passée d’une assurance de rentes à une assurance de réadaptation. Toute réadaptation réussie implique un ancrage local et une proximité avec les citoyens, tels qu’on les trouve dans la structure même du système fédéral. Or, l’AI sait en tirer parti, cela fait aussi sa force. En effet, la gestion décentralisée, à l’échelon cantonal, permet de développer des conditions cadres adaptées au contexte local. Investir dans la ré-adaptation est rentable, socialement et financièrement parlant. Le business case étudié en 2019 par la COAI l’a bien montré.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Nous pouvons être fiers que l’AI soit une assurance sociale porteuse de sens. À l’avenir, elle devra être en mesure d’apporter des solutions adaptées aux mutations sociales et économiques. Cela passe aussi par un changement de mentalité sur le plan financier : par exemple, la prise en charge des coûts des mesures médicales destinées aux mineurs devrait en principe être assurée par les caisses-maladie.

SELON VOUS, À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE FAIRE FACE ? L’AI sera de plus en plus sollicitée pour les maladies psychiques, de façon générale et chez les jeunes en particulier. Autre thème important, la numérisation et son impact sur les personnes handicapées. Quels métiers existeront encore ? Comment intégrer les personnes souffrant d’un handicap psychique ou physique sur ce nouveau marché du travail ?


Gaby Szöllösy
Secrétaire générale
Conférence des
directrices et directeurs
cantonaux des affaires
sociales CDAS

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? L’AI dispose d’un volume considérable de faits et chiffres, issus de la recherche et de l’évaluation des divers instruments de l’assurance- invalidité. Il est primordial que les cantons puissent accéder à ces connaissances fort utiles. Les nombreuses études qui paraissent chaque année traitent souvent de questions qui con-cernent directement les cantons. Ceux-ci peuvent tirer profit de projets communs pour réaliser des développements nécessaires. Nous pensons là aux analyses fondées sur la base de données AS-AI-AC, qui contribuent à mieux comprendre le parcours des bénéficiaires entre l’aide sociale et l’AI. Ou encore au projet pilote « Intervention précoce intensive auprès des enfants atteints d’autisme infantile », qui vise notamment à trouver avec les cantons une solution de financement à long terme.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Nous demandons la garantie des droits acquis aujourd’hui pour les bénéficiaires de rentes AI. Nous souhaitons également une meilleure réadaptation des personnes en situation de handicap qui occupent aujourd’hui des places de travail dites protégées. La Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handi-capées préconise de réduire la séparation institutionnelle qui existe entre les marchés primaire et secondaire du travail, ainsi qu’entre les offres de logements, collectifs ou individuels. Les cantons ne pourront pas relever ces défis sans l’appui de l’AI. Nous sommes également convaincus qu’une collaboration entre l’OFAS et les cantons permettra de créer de nouvelles synergies dans l’aide privée aux invalides sur la base de l’article 74 LAI.

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE SELON VOUS FAIRE FACE ? La situation financière de l’AVS reste insatisfaisante. Sans nouvelles recettes, il ne paraît pas réaliste que sa dette de 10 milliards de francs puisse être épongée d’ici 2030 par des mesures d’économie. Et ce serait injuste à l’égard des bénéficiaires de rente AI. De plus, on peut craindre qu’une crise conjoncturelle n’entraîne une baisse des recettes et une hausse des dépenses. Il faut éviter à tout prix un report des charges financières sur les cantons. Une pratique plus restrictive en matière de rentes, par exemple, pousserait un plus grand nombre de personnes vers l’aide sociale.


Adrian Wüthrich
Président Travail
Suisse

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? Grâce à l’AI, le risque d’invalidité est couvert pour tous les salariés. Les personnes en situation de handicap, malgré une vie parfois très dure, disposent ainsi généralement d’un revenu. De plus, les efforts de réadaptation déployés par l’AI en collaboration avec les entreprises permettent d’insérer de nombreuses personnes sur le marché du travail. L’AI constitue donc un élément indispensable de notre filet de sécurité sociale.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Travail Suisse souhaite qu’il n’y ait plus de réforme visant à réduire les prestations de l’AI. Celles-ci devraient même être, si possible, développées. La méthode de calcul appliquée pour définir le taux d’invalidité désavantage les assurés à bas revenu, qui trop souvent n’obtiennent aucune aide. De plus, la qualité des expertises AI soulève de gros points d’interrogation. Dans l’ensemble, les efforts de réadaptation devraient être intensifiés et les employeurs, s’engager encore plus fortement. À cet égard, le développement continu de l’AI va dans le bon sens.

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE FAIRE FACE ? Le principal défi demeure l’intégration des personnes en situation de handicap sur le marché du travail. Le principe selon lequel le travail prime la rente est juste et important : il ne doit pas rester lettre morte. On attend clairement plus d’efforts de la part des employeurs. L’assainissement financier de l’AI ne peut se pérenniser sans de grands progrès en matière d’intégration. Nous devons rappeler sans cesse l’importance de cet élément du premier pilier pour une Suisse sûre, j’en suis convaincu. Et nous devons accorder une grande attention à l’AI, qui est essentielle, mais aussi fragile.


Martin Boltshauser
Responsable du service
juridique et membre de
la direction, Procap
Suisse

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? L’AI est un soutien important pour les personnes en situation de handicap. Elle leur permet de mener une vie autonome.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Notre époque se caractérise par un rythme effréné et bien souvent, ce sont la rentabilité et l’efficacité économique qui dictent les décisions importantes. En tant qu’organisation, nous souhaitons que l’AI ne perde pas de vue sa véritable mission, à savoir permettre aux personnes en situation de handicap de participer à la vie sociale et d’accéder au monde du travail.

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE SELON VOUS FAIRE FACE ? Ces prochaines années, dans un contexte de globalisation et de numérisation croissante, l’AI sera de plus en plus confrontée à de nouvelles questions : comment pourra-t-elle par exemple poursuivre ou même renforcer la réadaptation des personnes en situation de handicap sur le marché du travail ?


Valentin Vogt
Président, Union
patronale suisse

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? Les employeurs sont résolument favorables à la voie suivie par l’AI pour se transformer d’une assurance de rentes en une assurance de réadaptation. L’AI est pour les employeurs un partenaire important et compétent en vue de réintégrer sur le marché du travail des personnes atteintes dans leur santé. Par ailleurs, l’AI et les employeurs visent le même objectif de renforcement du potentiel de main-d’oeuvre indigène et de participation à la vie professionnelle.

QUELS SONT VOS SOUHAITS ENVERS L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Comme il serait insensé d’abandonner des principes qui ont fait leurs preuves, les employeurs continuent de soutenir le travail de réadaptation fourni par les offices AI. Peu de progrès ont cependant été réalisés pour ce qui est du désendettement de l’AI. Bien qu’il soit urgent d’éponger la dette de plus de dix milliards de francs que l’AI a envers l’AVS, la présente réforme n’a pas été mise à profit pour fixer des objectifs d’économie clairs ni pour supprimer les incitations indésirables. Les employeurs attendent cependant de l’AI, et donc de la Confédération, qu’elle accorde la priorité à l’assainissement financier de l’assurance-invalidité.

SELON VOUS, À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE FAIRE FACE ? Le déséquilibre financier de l’AI s’accentuera encore dans un proche avenir, notamment en raison de la crise liée au coronavirus. L’AI aura donc pour mission difficile de remplir ses objectifs en matière de réadaptation tout en retrouvant un équilibre financier, afin de ne pas imposer de charges supplémentaires aux cotisants, dont font partie les employeurs. Elle devra donc réduire la dette et adapter ses structures. Les changements dans le monde du travail, avant tout la numérisation, exigent également une grande capacité d’adaptation de la part de tous les acteurs. En même temps, la numérisation offrira de nouvelles possibilités de réadaptation.


Romain Lanners
Directeur du Centre
suisse de pédagogie
spécialisée, agence
spécialisée de la
Conférence suisse des
directeurs cantonaux
de l’instruction
publique CDIP

QUELS SONT LES POINTS FORTS DE L’AI DONT VOUS TIREZ UN BÉNÉFICE AUJOURD’HUI ? Depuis 1959 et jusqu’à la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) en 2007, les directions cantonales de l’instruction publique ont travaillé en étroite collaboration avec l’OFAS dans le domaine de la formation des enfants et des jeunes dits invalides. Au cours de ces presque 50 ans, des sommes importantes ont été investies par la Confédération dans la construction d’écoles spécialisées, selon les dogmes plus philosophiques que scientifiques des instituts et séminaires de pédagogie curative en Suisse. Treize ans après l’entrée en vigueur de la RPT, les cantons portent encore l’héritage de ces investissements erronés dans les écoles spécialisées avec leurs settings séparatifs. Ces dernières années, conformément à la Constitution fédérale, la compétence en matière de formation des enfants et des jeunes ayant des besoins éducatifs particuliers a été transférée aux cantons. Appliquant des modèles de scolarisation de plus en plus inclusifs, ces derniers travaillent à nouveau plus étroitement avec les offices AI cantonaux pour assurer les transitions vers la formation professionnelle et vers le monde du travail. Cette évolution est perçue de manière positive.

QU’ATTENDEZ-VOUS DE L’AI POUR LA PROCHAINE DÉCENNIE ? Après la cantonalisation de la pédagogie spécialisée, il s’agira de mettre en place une nouvelle collaboration porteuse d’avenir entre la Confédération et les cantons, une collaboration qui soulèvera bien évidemment des problèmes inédits de délimitation. Les projets innovants, comme les interventions précoces intensives auprès de jeunes enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme ou le développement de moyens d’enseignement numériques et de services numériques accessibles à tous les élèves (universal design for learning), nécessitent de nouveaux modèles de financement mixte entre Confédération et cantons.

À QUOI L’AI DEVRA-T-ELLE SELON VOUS FAIRE FACE ? En 2007, on a assisté à un changement de paradigme dans le domaine de la formation : les jeunes invalides sont devenus des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Cependant, à la fin de leur scolarité obligatoire, ces jeunes se retrouvent à nouveau étiquetés comme invalides par la Confédération, une étiquette vieille d’un siècle. La base constitutionnelle de l’assurance-invalidité a en effet été créée dans le contexte de la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque nos pays voisins ont mis en place de nouvelles assurances pour soutenir les mutilés de guerre. La Confédération et l’OFAS doivent changer de paradigme et trouver une nouvelle terminologie. Il faut absolument éviter une invalidisation et une marginalisation au moment de la transition à l’âge adulte. Il faut au contraire promouvoir une véritable participation sociale des anciens élèves présentant une déficience ou un handicap.


Léonard Maradan
Collaborateur juridique,
Secrétariat général,
Fédération Suisse
des Avocats

QUELLES SONT LES FORCES DE L’AI DU POINT DE VUE DES AVOCATS ? À l’heure actuelle, l’AI constitue un important outil au service de la population, notamment en ce qui concerne la détection et l’analyse médicale des handicaps de toutes sortes. Le rôle social de cette assurance n’est pas à démontrer. Elle garantit par ailleurs un accès universel à des prestations de base dont l’importance n’est pas à négliger.

QUELLES SONT LES ATTENTES DES AVOCATS ENVERS L’AI POUR LES DIX PROCHAINES ANNÉES ? Du point de vue de l’avocature, un des défauts principaux que présente actuellement le système de l’assurance invalidité est l’inégalité des forces entre l’administration et l’assuré. Ceci est notamment dû au rôle souvent décisif des expertises de l’administration et ce malgré l’évolution de la jurisprudence y afférente. Relevons également que la procédure mise en oeuvre dans la cadre de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales LPGA ne garantit que très partiellement le droit d’être entendu des assurés. Il est regrettable par ailleurs que les erreurs commises par l’administration puissent être facilement corrigées dans le cadre d’une reconsidération, alors qu’à l’inverse, l’assuré ne peut imposer une telle reconsidération si c’est lui qui aurait omis un élément important en sa faveur. On ne comprend par ailleurs pas pour quelle raison l’OFAS a pour politique d’exclure systématiquement toute transaction, alors que la LPGA prévoit expressément cette possibilité, et que plusieurs questions se prêteraient bien à une telle résolution de litige, à commencer par le calcul du taux d’invalidité, qui reste un exercice hautement subjectif.

QUELS SONT LES GRANDS DÉFIS DE L’AI ? Du point de vue de l’avocature, l’AI souffre d’un sérieux déficit de communication avec les assurés et leurs représentants. Cette assurance fonctionne selon un processus particulièrement lourd et rigide. Le dialogue doit être amélioré et l’assuré davantage considéré comme un partenaire que l’objet d’une procédure bureaucratique.

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