Collaborer avec les parents pour prévenir la pauvreté

Se fondant sur le « Cadre d’orientation pour la formation, l’accueil et l’éducation de la ­petite enfance en Suisse », des spécialistes de la prévention de la pauvreté, de la formation des ­parents et de la petite enfance ont conçu des éléments pour une bonne collaboration avec les parents touchés par la pauvreté, qu’ils ont consignés dans une publication thématique.
Stefanie Knocks
  |  08 décembre 2016
  • Famille
  • Pauvreté

La petite enfance est une phase de développement intense. Or, l’enfant doit bénéficier d’une stimulation adaptée à son stade d’évolution pour acquérir des compétences, et les familles socio-économiquement défavorisées peinent à offrir un environnement stimulant aux enfants en bas âge. Du coup, les enfants qui grandissent dans des familles pauvres sont non seulement privés de commodités matérielles, mais aussi de perspectives, ce qui hypothèque leur avenir. Sans compter que la pauvreté peut aussi mettre à mal les compétences relationnelles et éducatives de leurs personnes de référence.

Dans sa « Stratégie globale de la Suisse en matière de lutte contre la pauvreté », le Conseil fédéral a reconnu le potentiel que recèle ici une bonne formation des parents : « La prévention de la pauvreté des enfants passe par la création, au départ, des meilleures chances possible pour tous. Ceux dont les conditions de départ sont mauvaises ont besoin de mesures de soutien spécifiques, débutant dès la petite enfance, qui leur permettent de développer pleinement leurs aptitudes. Il est aussi important de favoriser les compétences éducatives des parents. (…) Les structures d’accueil extrafamilial et parascolaire peuvent être utiles en l’occurrence, dans la mesure où elles peuvent proposer le soutien requis. » (Conseil fédéral 2010, p. 23).

Importance de la collaboration avec les parents « Premières personnes de confiance importantes pour l’enfant » (Cadre d’orientation 2012, p. 55), les parents jouent un rôle clé dans son développement. Si l’on veut fournir à l’enfant le soutien dont il a besoin, la collaboration avec les parents doit prendre en compte tout son environnement de vie. Elle implique que professionnels et parents échangent sur ses intérêts ainsi que sur son stade de développement et d’apprentissage, afin de définir des objectifs communs, d’établir les responsabilités de chacun et de prendre les mesures qui s’imposent.

Comment la collaboration entre institutions et parents peut-elle fonctionner ? De janvier à juin 2016, le Réseau suisse d’accueil extrafamilial a réuni, avec l’aide du Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté, des spécialistes de la prévention de la pauvreté, de la formation des parents et de la petite enfance, afin de développer les principes déjà connus d’une collaboration réussie avec les parents en vue de les appliquer à la prévention de la pauvreté dans la petite enfance. Pour mettre au point les éléments en question, les participants se sont fondés sur leurs propres connaissances et expériences professionnelles ainsi que sur le Cadre d’orientation pour la formation, l’accueil et l’éducation de la petite enfance en Suisse, le document de référence en matière de travail pédagogique et de vie avec les enfants en bas âge.

Les éléments d’une prévention de la pauvreté passant par une collaboration réussie avec les parents (cf. tableau T1) ont été résumés dans une publication thématique (Publication thématique 2016), visant à fournir aux intéressés des principes généraux et des idées concrètes pour les soutenir dans leur pratique professionnelle. La réflexion qui sous-tend cette publication est de profiter de toutes les occasions de rencontre entre parents et professionnels, afin que ceux-ci exercent ensemble une influence positive sur les conditions de développement des enfants. Si l’on pense ici avant tout aux institutions de formation, d’accueil et d’éducation de la petite enfance (crèches, groupes de jeu ou services de conseils aux parents), tous les lieux où ces derniers restent quelques instants, par exemple chez le médecin ou au coin jeu du restaurant d’un supermarché, sont aussi propices à la prise de contact.

Pour que ces éléments se concrétisent, des changements sont nécessaires dans le domaine de la prévention de la pauvreté, dans celui de la petite enfance et sur les plans social et politique. Dans le dernier chapitre de la publication thématique, les professionnels s’expriment sur ce qui doit encore être fait, sur la base du cadre d’orientation pour pouvoir appliquer de manière ciblée et efficace les éléments d’une collaboration réussie avec les parents :

  • Connaître le phénomène de la pauvreté, savoir l’identifier et reconnaître son existence : les professionnels doivent avoir des connaissances de base sur le phénomène de la pauvreté et savoir reconnaître les signes d’une situation socio-économique difficile. Dès leur formation, ceux qui se destinent à travailler avec des familles ayant de jeunes enfants doivent apprendre à construire, avec les parents ou d’autres personnes responsables de l’éducation de l’enfant, un partenariat éducatif fondé sur la confiance. Enfin, c’est toute la société qui est appelée à se pencher sur la pauv­reté et à reconnaître son existence.
  • Faire de la collaboration avec les parents une norme : le fait d’avoir recours à des offres de soutien pour parents de jeunes enfants devrait devenir une norme positive.
  • Participer aux réflexions menées dans les milieux professionnels et politiques sur la prévention de la pauvreté : le cadre financier et organisationnel doit inciter les professionnels à rechercher la collaboration avec les parents et la rendre possible. La prévention de la pauvreté au profit des jeunes enfants porte des fruits à condition qu’il y ait coordination entre la politique familiale, la politique sociale et l’engagement en faveur de la petite enfance, et cela, aux échelons fédéral, cantonal et communal.
  • Combiner les plans de la prévention de la pauvreté, des changements individuels et de l’amélioration des conditions de vie en société: il ne faut pas réduire la pauvreté à un problème individuel, mais y voir une problématique de société, tant pour ce qui est de ses causes que de ses conséquences. Les familles évoluent dans un cadre sociétal aux règles et conditions définies, qui exercent, par exemple, une influence déterminante sur le rôle des parents en tant qu’employés ou contribuables. Il revient dès lors à l’Etat et à la société de prendre également des mesures structurelles – en garantissant par exemple des offres d’accueil extrafamilial des enfants de qualité, en quantité suffisante et à des prix abordables – et de recourir à des mesures telles que les allocations familiales et les déductions fiscales pour remédier à la précarité.
  • en garantissant par exemple des offres d’accueil extrafamilial des enfants de qualité, en quantité suffisante et à des prix abordables – et de recourir à des mesures telles que les allocations familiales et les déductions fiscales pour remédier à la précarité.
Docteur en sciences politiques, experte en ­communication, Réseau suisse d’accueil extra­familial (jusqu’au 15 octobre 2016)
[javascript protected email address]