Un nouveau guide pratique facilite la collaboration avec les EISP

Pour mettre en œuvre les mesures de réinsertion, les organismes de la sécurité sociale ­colla­borent étroitement avec des entreprises d’intégration sociale et professionnelle (EISP). Un nouveau guide pratique explique comment établir des conventions de prestations.
Sarah Neukomm, Simon Bock
  |  02 mars 2018
    Recherche et statistique
  • Pauvreté

L’aide sociale, l’assurance-chômage (AC) et l’assurance-invalidité (AI) peuvent proposer à leurs bénéficiaires des mesures d’intégration sociale et professionnelle. Pour mettre en œuvre ces mesures, elles confient souvent des mandats de prestations à des EISP. Dans ce domaine, il existe pour l’assurance-chômage et l’assurance-invalidité, ainsi que pour l’aide sociale dans différents cantons et communes, une gestion professionnelle des contrats assortie d’instruments éprouvés. Cependant, les conventions de prestations avec les EISP sont encore peu utilisées (Adam et al. 2016a). Afin de promouvoir cet instrument, le Programme national contre la pauvreté a fait réaliser un guide à l’intention des organismes de la sécurité sociale qui présente les principes à observer lors de l’établissement de conventions de prestations et qui fournit des indications pratiques pour leur conception.

entreprises avec un double objectif Les EISP sont des organisations qui fournissent des services d’intégration sociale et professionnelle, et sont de ce fait exposées à des risques entrepreneuriaux. Elles se distinguent fréquemment par leur grande capacité d’innovation ainsi que par leurs approches créatives et innovantes de l’insertion professionnelle, tout en étant en mesure de s’adapter de manière très flexible aux évolutions du marché. Elles englobent un large éventail d’organisations, notamment les entreprises dites sociales. Leur caractéristique essentielle est qu’elles poursuivent un double objectif, à la fois social et économique1 1:

  • Objectif social : encourager la réinsertion de personnes ayant des difficultés à accéder au marché du travail.
  • Objectif économique : s’autofinancer au moins en partie par la vente de produits et de services.

Le modèle d’activité des EISP repose ainsi sur deux axes majeurs, à savoir l’insertion professionnelle et la production de biens et de services marchands contribuant à leur auto­financement. De ce fait, ces entreprises concilient impératifs du marché, mission sociale et mandat de prestations confié par les pouvoirs publics. Une collaboration ciblée entre les organismes de la sécurité sociale et les EISP requiert un pilotage rigoureux et permanent, basé sur une convention de prestations adaptée à la réalité du terrain.

Objectifs et élaboration du guide pratique Le guide pratique relatif aux conventions de prestations entre les organismes de la sécurité sociale et les EISP permet de mieux exploiter le potentiel des EISP en matière d’intégration sociale et professionnelle. Il s’adresse aux spécialistes en charge des conventions de prestations des offices AI, des services LMMT 2, des offices cantonaux des affaires sociales et des services sociaux qui placent un grand nombre de bénéficiaires auprès des EISP. Le guide entend leur permettre d’identifier le potentiel d’optimisation des conventions de prestations existantes ou les soutenir dans l’établissement de nouvelles conventions.

Exemple d’indications pratiques relatives au but, aux objectifs et aux groupes cibles

Les objectifs remplissent une fonction centrale dans les conventions de prestations. Ils donnent la direction à imprimer à la collaboration, clarifient les attentes et encouragent ainsi l’information mutuelle. Des objectifs clairement formulés permettent à l’EISP de comprendre la volonté du mandant et d’orienter ses activités de manière ciblée.

Objectifs clairs, explicites et ciblés (indication pratique no 5) : les objectifs sont consignés de manière claire et contraignante et formulés explicitement dans la convention de prestations. La détermination du type et du nombre d’objectifs tient compte de la taille et des groupes cibles des EISP ainsi que du volume de prestations convenu. Les objectifs implicites et les attentes à l’égard des EISP doivent être clarifiés.

Accent placé sur l’effet d’intégration (indication pratique no 7) : la convention de prestations énumère les effets d’intégration que l’offre spécifique de l’EISP doit permettre d’obtenir pour les bénéficiaires placés et formule des objectifs à cet égard.

Objectifs de qualité et autres exigences (indication pratique no 9) : la convention de prestations définit les exigences de qualité auxquelles doit satisfaire l’exécution des prestations par l’EISP. Elle décrit aussi explicitement les autres informations opérationnelles et/ou financières relatives aux prestations et aux résultats à prendre éventuellement en compte dans l’évaluation de l’entreprise. Aux fins d’un pilotage orienté résultats, ces éléments se limitent à l’essentiel.

Elaboré en plusieurs étapes avec un large soutien des spécialistes concernés, ce guide est fortement axé sur la pratique. Une douzaine d’entretiens ont tout d’abord permis d’élaborer un concept de base. Pour la Suisse alémanique, la Suisse romande et le Tessin, des groupes de discussion thématiques sur les différents organismes de la sécurité sociale ont ensuite défini les grandes lignes pour l’élaboration du contenu détaillé du guide. Enfin, ce dernier a été complété et validé dans le cadre de discussions et d’ateliers.

Principes à observer pour l’établissement de conventions de prestations Afin de renforcer l’efficacité des conventions de prestations entre les organismes de la sécurité sociale et les EISP, le guide recommande de mettre en place une gestion des contrats répondant aux principes suivants :

  • Reconnaissance du caractère spécifique : les organismes de la sécurité sociale concluent avec les EISP des conventions de prestations adaptées au caractère spécifique de ces prestataires ainsi qu’à leur double objectif.
  • Aménagement d’une marge de manœuvre : les conventions de prestations laissent aux EISP une marge de manœuvre suffisante quant à leur organisation et à la fourniture de services, eu égard à leurs atouts spécifiques (p. ex. innovation, créativité, flexibilité).
  • Orientation objectifs et résultats : des objectifs clairement formulés et adaptés aux EISP constituent l’élément clé des conventions de prestations. Eu égard aux systèmes de pilotage des organismes de la sécurité sociale, qui priment, une importance particulière doit être accordée à l’orientation résultats et aux objectifs de résultats.
  • Prise en considération de la diversité : les différences existant entre les EISP (p. ex. en termes de taille, de groupes cibles, d’objectifs d’insertion et de volume des prestations) sont prises en compte lors de la détermination concertée des objectifs, des indicateurs et des critères d’évaluation de la réalisation des objectifs ainsi que des prescriptions concernant la qualité et le reporting.
  • Approche collaborative : la relation et la reconnaissance mutuelle des différentes exigences revêtent une grande importance. Une collaboration fructueuse repose à parts égales sur le dialogue, la production de preuves et le contrôle ainsi que sur une confiance toujours renouvelée.

Indications pratiques Outre les principes évoqués ci-dessus, le guide fournit toute une série d’indications pratiques relatives à l’établissement des conventions de prestations. Facile d’utilisation, cet instrument s’adresse aux organes d’exécution de l’aide sociale, de l’AC et de l’AI, et se concentre notamment sur les éléments suivants :

  • But, objectifs et groupes cibles (cf. tableaux T1 et T2)
  • Volume du mandat et financement
  • Gestion de la qualité et définition des processus
  • Evaluation de la réalisation des objectifs et reporting
  • Durée et résiliation

L’harmonisation de la convention de prestations avec l’appel d’offres en amont et avec les critères d’adjudication du mandat est aussi déterminante.

Le guide pratique ne s’entend ni comme un mandat ni comme un nouveau règlement ayant force obligatoire, mais plutôt comme un instrument pour compléter et améliorer les bases déjà disponibles. Toutes les informations qu’il contient ont valeur indicative et peuvent se révéler utiles pour identifier les améliorations possibles. Pour les organismes de la sécurité sociale et les organes d’exécution, la plus-value découle du développement de l’éventail d’instruments qu’ils utilisent aujourd’hui.

  • 1. Cette définition large est issue du projet ICSEM (International Comparative Social Enterprise Models,www.iap-socent.be/icsem-project) : plus de 230 chercheurs de près de 50 pays ont comparé les modèles de financement et de réinsertion de diverses entreprises sociales à partir d’une définition théorique commune. Cette définition est utilisée en Suisse depuis 2015, notamment dans différentes études de l’OFAS et dans les discussions menées dans le cadre du Programme national contre la pauvreté (cf. Adam et al. 2016a, Conseil fédéral 2016, Ferrari et al. 2016a).
  • 2. Dans le cadre de l’assurance-chômage, les services de logistique des mesures relatives au marché du travail (services LMMT) sont responsables d’évaluer systématiquement les besoins en la matière, de planifier l’offre de manière ciblée et de mettre sur pied une offre adaptée aux besoins.
Politologue, Neukomm Impacts
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MA université de Zurich, collaborateur scientifique econcept AG.
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