Offre de prestations en faveur 
des familles

La Suisse dispose d’une offre abondante en matière d’accompagnement et de conseil aux familles ainsi que de formation des parents. Une nouvelle étude fournit un aperçu systématique du paysage actuel de l’offre et nomme les huit principaux défis en matière de disponibilité, d’accessibilité, de qualité et de capacité à atteindre les publics cibles.
Philipp Walker, Sarina Steinmann, Anna Tanner
  |  04 juin 2021
    Recherche et statistique
  • Égalité des chances
  • Famille
  • La société

Depuis près de 70 ans, la Confédération accorde des aides financières aux organisations familiales à but non lucratif actives à l’échelle du pays ou d’une région linguistique. Dans le cadre de la troisième révision de la loi sur les allocations familiales (art. 21f-21i LAFam, RS 836.2), une base légale explicite a été créée à cette fin et est entrée en vigueur le 1er août 2020 (FF 2019 997). La mise à disposition de prestations non financières d’accompagnement et de conseil destinées aux familles ainsi que d’offres de formation des parents incombe aux cantons et aux communes. La Confédération n’a qu’une compétence de soutien en la matière. Les informations sur les offres de ce domaine et sur les prestataires qui les fournissent étant lacunaires, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a chargé Ecoplan et la Haute école de travail social HES-SO Valais-Wallis d’élaborer une vue d’ensemble systématique de l’offre existante. Il s’agissait également de juger de la disponibilité, de l’accessibilité et de la qualité des offres, et d’évaluer dans quelle mesure celles-ci atteignent leur public cible. Cet article présente les principaux enseignements de l’étude.

Identification et classification de l’offre d’accompagnement des familles, de conseils aux familles et de formation des parents Il existe en Suisse une large palette de prestations non financières visant à soutenir les familles. Mais l’abondance des offres proposées dans les champs thématiques les plus divers et leur structure très ramifiée rendent difficile d’en acquérir une vue d’ensemble. Le système de classement et la typologie élaborés dans le cadre de l’étude constituent cependant un guide utile.

La classification se base sur la définition et les objectifs de la politique familiale formulés par la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF) : « Le concept de famille désigne les formes de vie qui sont fondées sur les liens entre parents et enfants unissant les générations et qui sont reconnues par la société » (COFF 2021a). La politique familiale se définit comme une tâche pluridisciplinaire liée à différents thèmes politiques, qui vise à reconnaître et à soutenir les prestations fournies par les familles selon les phases qu’elles traversent (COFF 2021b). La classification utilisée s’appuie donc sur ces différentes phases du cycle de vie familiale en fonction de l’âge des enfants, mais aussi sur les champs thématiques que ciblent les offres (voir graphique G1).

Le paysage des offres disponibles a été analysé à l’aide de la plateforme de Pro Juventute présentant les offres de conseils aux parents (Pro Juventute 2021), la liste des cours établie par Formation des parents CH (Formation des parents 2021) et une recherche complémentaire dans la littérature et sur internet. Les offres identifiées ont été regroupées par types et ces types attribués aux champs correspondants (de A1 à D5).

Le tableau ainsi constitué permet quelques constats sur la diversité des offres. Plusieurs types d’offres transversales s’adressent aux futurs parents ou aux familles ayant des enfants en âge préscolaire, par exemple les conseils aux parents ou le suivi postnatal et les conseils en période d’allaitement. Si ce champ comprend un large éventail d’offres, c’est notamment parce que les jeunes parents ont démontré un besoin accru de conseils et il est reconnu que les premières années de vie d’un enfant sont décisives pour son développement ultérieur. En outre, depuis quelques années, l’encouragement précoce est un sujet à la mode tant dans la société que sur le plan politique (voir aussi dossier de ce numéro). Les offres de ce type se distinguent par leur diversité et par les différentes combinaisons de thèmes auxquels elles se rapportent, non seulement par leur contenu, mais aussi en ce qui concerne le public cible, la nature du prestataire et la forme des offres. Durant cette phase de la vie familiale, les offres focalisées sur un thème spécifique sont en revanche moins nombreuses.

Elles deviennent plus abondantes à mesure que les enfants grandissent. Au moment de l’entrée à l’école et du choix d’étude et de carrière au terme de la scolarité obligatoire, la demande se porte davantage vers des types d’offres du champ thématique de l’éducation, comme les rencontres entre les parents et les enseignants ou les conseils en orientation professionnelle. Les thèmes de la santé et des conflits gagnent en importance, et on recense beaucoup de types d’offres spécifiques comme les conseils sur la santé sexuelle (santé) et le coaching parental (crises et conflits). Par ailleurs, plusieurs types d’offres s’adressent directement aux jeunes. Les offres réservées exclusivement à ceux-ci ne peuvent cependant pas être considérées comme des offres pour les familles au sens où nous les entendons dans l’étude présentée, quand bien même les parents peuvent au besoin participer à l’accompagnement ou au conseil.

Les types d’offres ciblant les familles avec des enfants adultes sont pratiquement inexistants. Comme pour les jeunes, de nombreuses offres pour adultes impliquent les familles dans la résolution du problème. Mais elles s’adressent en premier lieu aux personnes concernées et ne sont pas perçues comme des offres pour les familles. Les types d’offres pour proches aidants et les consultations psychosociales pour les proches constituent des exceptions. Ces offres s’adressent à des familles confrontées à des problématiques spécifiques, donc un public cible particulier. La plupart couvrent de nombreux thèmes, mais n’ont pas pour objectif de soutenir la relation entre parents et enfants.

Enfin, parmi les types d’offres identifiés, certains ne sont pas clairement attribuables à une seule phase de la vie familiale. L’exemple le plus parlant est celui des offres de formation des parents au sens strict, mais aussi des offres pour des formes familiales particulières, telles que les familles avec enfants adoptés ou les familles arc-en-ciel. Cette catégorie comprend surtout des types d’offres spécialisées qui portent sur des champs thématiques spécifiques et s’adressent à toutes les familles, indépendamment de l’âge des enfants. Ces offres ont trait à la migration, comme les tables rondes pour les femmes et pour les hommes ou la médiation interculturelle, ainsi qu’au domaine des crises et de la résolution des conflits, comme le suivi sociopédagogique des familles, les conseils en cas de crise, les points rencontre pour l’exercice du droit de visite ou les offres ciblant la violence domestique.

Évaluation de l’offre – Huit sujets de préoccupation Parallèlement au recensement et à la classification de l’offre, l’un des points forts de l’étude consistait en une analyse de l’offre. Celle-ci a été effectuée selon quatre critères : la disponibilité, l’accessibilité, la qualité et la capacité à atteindre les publics cibles.

  • Disponibilité de l’offre : La disponibilité de l’offre répond à la question de savoir si une telle offre existe en Suisse ou dans une région de Suisse.
  • Accessibilité de l’offre : L’accessibilité de l’offre évalue dans quelle mesure les différents groupes de population ont accès à une telle offre.
  • Capacité à atteindre les publics cibles : La capacité à atteindre les publics cibles répond à la question de savoir si les publics visés sont effectivement touchés.
  • Qualité : La qualité se mesure au degré de satisfaction des besoins du public cible et au fait que les prestations soient proposées d’une manière qui convient à celui-ci.

L’évaluation de ces quatre critères s’est basée sur une analyse de différents documents relatifs aux offres individuelles. Ceux-ci pouvaient être de simples descriptions sur des supports de type flyers, brochures, rapports annuels ou rapports d’activité des prestataires et sites internet. Mais ils comprenaient aussi des concepts et des rapports sur la politique familiale établis par les communes et les cantons, ainsi que des évaluations de l’offre. Le contenu de ces documents était très variable et n’a pas toujours permis de renseigner les quatre critères mentionnés.

Les 28 interviews conduites avec des organisations qui mettent en relation les familles avec les offres correspondantes ont également constitué une source d’information importante. Les constats issus de l’analyse ont été discutés et affutés dans le cadre d’un webinaire avec les spécialistes en charge des questions familiales dans les cantons et les communes. Il en est ressorti huit sujets de préoccupation centraux, que plusieurs organisations à but non lucratif (OBNL) ont validés et précisés lors d’une consultation en ligne.

Préoccupation 1 : Offre insuffisante dans l’espace rural Tant la littérature que les entretiens, le webinaire et les réponses des OBNL fournissent une évaluation positive de l’offre. Aucune véritable lacune n’est identifiée. La disponibilité est cependant jugée différemment selon les régions, principalement selon un axe villes-campagnes. De façon prévisible, la couverture est élevée dans les régions densément peuplées. Les régions rurales présentent une palette d’offres plus restreinte, avec une prédominance des offres transversales. Leur bassin de population limité ne génère pas une demande suffisante pour que des offres portant sur des thèmes spécifiques puissent s’y implanter. C’est pourquoi de telles offres n’y sont généralement disponibles qu’à l’échelle suprarégionale. Pour les familles, cela implique des trajets nettement plus longs, ce qui rend les offres trop coûteuses en temps et en argent et décourage de les solliciter. Il faut cependant noter que la population des campagnes n’a pas les mêmes besoins que celle des villes. Pour les satisfaire, elle a davantage tendance à recourir à des structures traditionnelles et à des réseaux informels comme les associations, l’aide au voisinage, les membres de la famille ou l’église. Par conséquent, la demande peut être moins forte pour d’autres formes de soutien.

Préoccupation 2 : Manque de clarté de l’offre Les offres d’accompagnement et de conseil aux familles ainsi que de formation des parents sont très nombreuses et n’ont cessé de se développer ces dernières années. Dans les zones urbaines, leur densité est particulièrement élevée. Pour les personnes intéressées, la difficulté consiste non seulement à se procurer une vue d’ensemble des offres, mais aussi à trouver celle qui leur convient. Il serait utile de disposer d’un répertoire et d’une description structurée des offres (p. ex. réparties par thèmes, publics cibles, prestataires, etc.).

Préoccupation 3 : Manque d’offres proposées à domicile pour les familles socialement défavorisées Les offres existantes peinent à atteindre les familles socialement défavorisées (qui sont souvent des familles issues de la migration, menacées ou touchées par la pauvreté, ou dans lesquelles les parents sont peu formés). De l’avis des OBNL, cela peut s’expliquer par l’absence d’offre adaptée, mais aussi par les obstacles qui limitent l’accès à certaines offres destinées précisément à ces familles (voir aussi la préoccupation 8). Dans la littérature notamment, de nombreux spécialistes appellent donc à développer les offres à domicile.

Préoccupation 4 : L’accès est plus difficile si les offres sont payantes Les spécialistes s’accordent sur le fait que les frais demandés dans certains cas rendent l’offre moins accessible et affectent son utilisation. Les coûts indirects, engendrés notamment par de longs trajets, influencent également l’accessibilité de l’offre.

Préoccupation 5 : Des modalités de consultation restreintes limitent l’accès à l’offre Il est souhaitable que les formes de consultation classiques en face-à-face dans des locaux dédiés soient complétées par des offres en ligne et d’autres alternatives. Ce n’est qu’en proposant un choix optimal de formats et d’horaires de consultation que l’on peut couvrir les différents besoins et faciliter l’accès à l’offre.

Préoccupation 6 : Manque de connaissances linguistiques et manque de compétences interculturelles des prestataires Indépendamment du format de l’offre, la langue demeure un facteur important pour accéder aux offres. Il est donc primordial que les prestataires puissent se faire comprendre dans les langues les plus répandues parmi la population migrante et recourir le cas échéant à des interprètes et à des médiateurs culturels. La documentation relative à l’offre devrait impérativement être disponible dans une langue facile à comprendre et/ou dans plusieurs langues étrangères. Les moyens financiers nécessaires ne sont malheureusement souvent pas disponibles.

Préoccupation 7 : Il est difficile d’évaluer la qualité de l’offre, et cela est rarement entrepris Seules quelques évaluations permettent d’en savoir plus sur la qualité des offres, leur utilisation et leur efficacité. Celles qui ont été recueillies dans le cadre de la présente étude livrent une appréciation globalement positive de la qualité des offres, et dans l’ensemble, les parents se montrent eux aussi satisfaits. Les offres examinées font par ailleurs état d’une efficacité élevée. Il est cependant très difficile de porter un jugement définitif sur la qualité des offres des différents acteurs. Les évaluations de ces offres n’en sont pas moins très appréciées.

Préoccupation 8 : Les familles socialement défavorisées ne sont pas suffisamment touchées Un constat s’impose pour toutes les offres : ce sont surtout les familles socialement défavorisées qu’elles peinent à atteindre. Ce déficit est bien connu, tant dans la littérature que sur le terrain. Ses conséquences sont particulièrement sensibles durant la première phase de la vie familiale, pour les futurs parents et ceux qui ont des enfants en âge préscolaire, car c’est durant cette phase que l’implication institutionnelle est la plus faible. Il manque en outre surtout des offres proposées à domicile pour les parents socialement défavorisés de jeunes en transition entre le secondaire I et la formation professionnelle.

Pistes de solution La difficulté à atteindre les publics cibles peut être attribuée à plusieurs causes, telles que la méconnaissance des offres, les obstacles linguistiques ou la peur de la stigmatisation. Plusieurs cantons ont déjà mis en place des stratégies pour résoudre ce problème, en informant de manière proactive sur les offres par le truchement des principaux interlocuteurs (pédiatres, sages-femmes, etc.), en recourant à des médiatrices et des médiateurs culturels et en promouvant une accessibilité à bas seuil. Certains obstacles peuvent par exemple être éliminés en concentrant les offres dans un lieu que les familles fréquentent de toute façon, tels que la maison de quartier ou le centre familial. Les cantons et les communes misent en outre sur les offres à domicile et cherchent à toucher ces populations par le biais de structures ordinaires comme les structures d’accueil de l’enfance, les écoles et les services de santé. Selon les OBNL, un réseau et une collaboration efficaces entre les institutions et les champs professionnels sont des facteurs décisifs pour améliorer la capacité des offres à atteindre les familles socialement défavorisées.

Master of Science in Economics, 
conseiller principal, Ecoplan.
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Docteur ès sciences économiques, 
cheffe de projet principal, Ecoplan.
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MSc in Economics, cheffe de projet, Ecoplan.
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