LPP 21 : message concernant la réforme de la prévoyance professionnelle

Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la réforme de la prévoyance professionnelle. La réforme vise à garantir le niveau des rentes, à renforcer leur financement et à améliorer la couverture des travailleurs à temps partiel, notamment celle des femmes. Le taux de conversion LPP sera abaissé et passera à 6 %. Ds mesures de compensation permettront toutefois d’amortir la baisse des rentes qui en résultera.
Franziska Grob, Sybille Käslin
  |  05 mars 2021
    Droit et politique
  • Prévoyance professionnelle

La prévoyance professionnelle (2e pilier) est confrontée au défi que posent l’augmentation de l’espérance de vie et l’insuffisance du rendement des placements. Il est devenu urgent de la réformer. Dans son message concernant la modification de la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (Réforme LPP 21, 20.089), adressé au Parlement, le Conseil fédéral propose de reprendre le modèle développé à sa demande par une partie des partenaires sociaux : l’Union patronale suisse, l’Union syndicale suisse et Travail Suisse.

Le modèle de la réforme LPP 21 Le but de la réforme LPP 21 est de garantir le financement de la prévoyance professionnelle tout en maintenant son niveau de prestations. Il est aussi d’améliorer la couverture des personnes à faible revenu et des travailleurs à temps partiel. Dans ce contexte, les mesures suivantes sont prévues :

  • Abaissement du taux de conversion minimal : le projet de réforme LPP 21 prévoit d’abaisser le taux de conversion minimal à l’âge de la retraite de 6,8 % à 6%. Les taux d’intérêt bas et l’augmentation de l’espérance de vie rendent cet abaissement nécessaire, malgré le rejet de projets semblables dans les années 2010 et 2017. Le taux de conversion minimal de 6,8 %, actuellement en vigueur, suppose un rendement brut d’environ 5 %. Au vu de la situation actuelle sur les marchés financiers, un tel rendement n’est toutefois pas réalisable à long terme. L’abaissement du taux de conversion minimal prévu par la réforme LPP 21 se traduit par une baisse du niveau des nouvelles rentes de l’ordre de 12 %. Une telle diminution n’est pas acceptable, étant donné que l’un des objectifs de la réforme est de garantir le maintien des rentes à leur niveau actuel. Pour garantir les prestations, le projet prévoit, d’une part, une diminution de la déduction de coordination et une adaptation des taux des bonifications de vieillesse permettant de renforcer l’épargne-vieillesse et, d’autre part, un supplément de rente financé solidairement pour tous les futurs retraités LPP. La combinaison de ces mesures permet de maintenir globalement le niveau des prestations et même de l’améliorer pour les personnes à faible revenu, travaillant à temps partiel ou cumulant plusieurs emplois, ce qui profitera en particulier à de nombreuses femmes.
  • Diminution de moitié de la déduction de coordination : La déduction de coordination sera réduite de moitié. Actuellement, elle correspond à sept huitièmes de la rente AVS maximale (soit 25 095 francs en 2021). En la diminuant de moitié (12 548 francs), le salaire assuré dans la prévoyance professionnelle obligatoire sera plus élevé, ce qui améliorera le niveau de prévoyance des personnes à bas et moyen revenu. Pour une personne avec un revenu annuel de 70 000 francs, un salaire de 57 452 francs serait ainsi assuré (70 000 francs moins 12 548 francs), contre un salaire de 44 905 francs actuellement. En effet, la diminution de moitié de la déduction de coordination a un effet proportionnellement plus important sur un salaire annuel plutôt bas que sur un salaire annuel plutôt élevé. Cette mesure pourra ainsi répondre aux nouvelles réalités (travail à temps partiel, cumul d’activités professionnelles), et ce sont, là aussi, principalement les femmes qui en bénéficieront.
  • Adaptation des taux des bonifications de vieillesse : afin de réduire les différences de cotisation entre les jeunes assurés et les assurés plus âgés, les taux des bonifications de vieillesse seront adaptés, et l’échelonnement en fonction de l’âge, tel qu’il existe aujourd’hui, sera simplifié. Le nouvel échelonnement prévoit que les bonifications de vieillesse s’élèveront à 9 % du salaire soumis à la LPP pour les personnes entre 25 et 44 ans, et à 14 % à partir de 45 ans. Aujourd’hui, les bonifications de vieillesse des assurés de 55 ans et plus s’élèvent à 18 %. Cette mesure fait disparaître le surcoût de la prévoyance professionnelle pour les personnes de 55 ans et plus par rapport à celles âgées de 45 à 54 ans. Cela devrait éliminer un désavantage lié à l’âge.
  • Supplément de rente :afin de compenser l’abaissement du taux de conversion et d’éviter une diminution de la rente de vieillesse de la prévoyance professionnelle, un supplément de rente devra être versé, en plus de l’amélioration de l’épargne-vieillesse. Ce supplément sera octroyé à toutes les personnes qui commencent à percevoir une rente de vieillesse ou d’invalidité obligatoire après l’entrée en vigueur de la présente réforme.

Les futurs bénéficiaires de rentes de vieillesse et d’invalidité de la prévoyance professionnelle toucheront à vie un supplément de rente. Durant une période de transition de quinze ans, le montant de ce supplément sera fixé par la loi : il s’élèvera à 200 francs par mois pour les personnes qui partent à la retraite les cinq premières années suivant l’entrée en vigueur de la réforme, puis à 150 francs par mois pour les cinq années suivantes, et à 100 francs par mois pour les cinq années d’après. Pour les générations plus jeunes, le montant du supplément sera fixé pour chaque année civile par le Conseil fédéral en fonction des ressources disponibles. Le montant du supplément de rente sera indépendant du montant de la rente de vieillesse LPP versé. Cela avantagera spécialement les personnes disposant de revenus bas et moyens ainsi que les salariés à temps partiel, en particulier les femmes. Le supplément de rente est censé contribuer à une meilleure acceptation de l’abaissement immédiat du taux de conversion minimal. Il sera financé par une cotisation de 0,5 % sur les revenus annuels soumis à l’AVS jusqu’à hauteur de 860 400 francs (état 2021). Cette cotisation sera payée pour moitié par l’employé, pour moitié par l’employeur.

Autres solutions proposées Lors de la procédure de consultation concernant le projet de réforme, c’est surtout le supplément de rente qui a suscité des débats. Plusieurs milieux le rejettent et ont proposé des modèles de réforme différents. Suite à la procédure de consultation, plusieurs participants (notamment l’Association suisse des institutions de prévoyance, l’Union suisse des arts et métiers et l’Association suisse d’assurances) ont renoncé à leur modèle et se sont mis d’accord sur une proposition commune.

Cette dernière est présentée de façon détaillée dans le message concernant la LPP 21 (FF 2020 9528-9534). Elle préconise, elle aussi, un abaissement du taux de conversion minimal en une seule fois, ainsi que des mesures de compensation pour la génération transitoire afin d’amortir la baisse du niveau des rentes qui en résulterait (voir tableau T1).

Acceptation d’un projet de réforme Le Conseil fédéral estime qu’un projet de réforme qui se limite à l’abaissement – urgent et nécessaire – du taux de conversion minimal et prévoit des mesures de compensations uniquement pour les personnes directement concernées ne saurait trouver une majorité au Parlement. Pour le Conseil fédéral, seule une réforme incluant une adaptation de la prévoyance professionnelle à l’évolution des habitudes de travail a des chances de rallier une majorité. Il est également d’avis que le degré d’acceptation d’un projet de réforme augmente si une mesure de compensation financée de manière solidaire par tous les salariés et tous les employeurs bénéficie également aux assurés qui ont dû, ces dernières années, accepter des baisses de leurs prestations futures en raison du subventionnement croisé des rentes de vieillesse en cours, suite à des taux d’intérêt plus bas sur leurs avoirs vieillesse ou en raison d’adaptations réglementaires des taux de conversion des institutions de prévoyance enveloppantes. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral reprend dans son message le compromis des partenaires sociaux. Les mesures avancées par le Conseil fédéral tiennent compte de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt. Elles permettent de compenser l’abaissement du taux de conversion minimal dans la partie obligatoire du 2e pilier par une épargne plus importante et d’améliorer la prévoyance professionnelle des personnes à bas revenu et des travailleurs à temps partiel.

État des discussions au Parlement La commission pour la sécurité sociale et la santé du Conseil national (CSSS-N) a entamé le traitement du dossier en février 2021 avec des auditions et est entrée à l’unanimité en matière.

Docteur en droit, responsable du secteur Droit de la prévoyance professionnelle, domaine AVS, prévoyance professionnelle et PC, Office fédéral des assurances sociales (OFAS).
[javascript protected email address]
Avocate, suppléante de la responsable du secteur Droit de la prévoyance professionnelle, domaine AVS, prévoyance professionnelle et PC, Office fédéral des assurances sociales (OFAS).
[javascript protected email address]