Intégration ciblée des réfugiés grâce à l’évaluation de leur potentiel

Pour une insertion professionnelle durable des réfugiés et des personnes admises à titre ­provisoire, il importe d’en connaître le potentiel. C’est pourquoi le Secrétariat d’État aux ­migrations (SEM) a demandé la mise au point d’outils d’évaluation du potentiel.
Michèle Laubscher
  |  23 décembre 2019
  • Collaboration interinstitutionnelle (CII)
  • La société

L’insertion professionnelle des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire est un processus long et complexe. Sept ans après leur arrivée en Suisse, moins de la moitié de ceux aptes à travailler ont un emploi, bien que, selon les estimations de la Confédération et des cantons, 70 % d’entre eux disposent du potentiel d’intégrer le marché du travail. Un plan d’intégration individuel, reposant sur un examen approfondi des capacités, des expériences et des préférences individuelles, accélère le processus initial d’intégration et augmente les chances d’une insertion professionnelle durable.

Évaluation et documentation des ressources disponibles Dans le cadre de l’Agenda Intégration Suisse (cf. encadré), la Confédération et les cantons ont décidé d’évaluer systématiquement le potentiel des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire de 16 à 50 ans. Pour cela, tous les cantons doivent disposer des outils nécessaires. C’est pourquoi le SEM a chargé le département Travail social de la Haute école spécialisée bernoise, la société de conseil socialdesign SA et l’organisation spécialisée de la Ville de Zurich AOZ de mettre au point les instruments requis. Ceux-ci doivent permettre de déterminer les connaissances linguistiques, le niveau de formation, les expériences professionnelles et les autres ressources des personnes concernées, et de documenter les résultats obtenus.

L’évaluation du potentiel, boussole pour l’intégration Suivant les résultats, l’évaluation du potentiel sert d’indicateur pour aiguiller les réfugiés et les personnes admises à titre provisoire vers l’un des trois objectifs suivants (cf. graphique G1) :

  • Aptitude à une formation : préparation à des voies de formation menant à un diplôme de niveau post-obligatoire. Le groupe cible comprend les 16 à 25 ans, mais aussi des personnes plus âgées ayant le potentiel de suivre un apprentissage ou d’achever une formation de degré tertiaire.
  • Aptitude au marché du travail : préparation au marché du travail, autant que possible avec des qualifications professionnelles, par exemple dans le cadre des cours FOKUS de l’OSEO pour le nettoyage ou le commerce de détail, de la formation d’auxiliaire de santé CRS ou des cours Progresso de GastroSuisse. Le groupe cible est formé d’adultes aptes au travail, pour lesquels une formation professionnelle initiale est plutôt inappropriée, par exemple pour des raisons d’âge ou parce qu’ils disposent déjà d’une expérience professionnelle.
  • Intégration sociale : les personnes pour lesquelles, pour des raisons de santé, d’âge ou de famille, une formation ou des mesures du marché du travail n’entrent pas (ou pas encore) en ligne de compte doivent pouvoir s’intégrer socialement, par exemple dans le cadre d’activités bénévoles.

Agenda Intégration Suisse

Au printemps 2018, la Confédération et les cantons se sont entendus sur un « Agenda Intégration Suisse » en vue d’intégrer plus rapidement et de façon plus durable dans le monde du travail les personnes admises à titre provisoire et les réfugiés. Cet agenda prévoit des investissements nettement supérieurs à ceux consentis jusqu’ici, énonce des objectifs concrets et définit un processus d’intégration liant tous les acteurs. Les personnes concernées seront encadrées professionnellement et toutes les personnes de 25 ans et plus aptes à travailler bénéficieront d’un job coaching correspondant à leurs besoins individuels. Réaliser une évaluation du potentiel fait partie intégrante de l’agenda. Les cantons sont responsables des mesures à prendre. En contrepartie, la Confédération porte le montant du forfait d’intégration unique de 6000 à 18 000 francs.

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Flexibilité du plan d’intégration Ces trois voies ne sont pas des rails à suivre obligatoirement ; il est tout à fait possible de changer de voie au cours du processus ­initial d’intégration. Pour éviter de perdre du temps, il est naturellement souhaitable que l’évaluation soit menée de façon à ce que le plan d’intégration aille d’emblée dans la bonne direction. Afin de peaufiner le plan, les évaluations ont lieu non seulement au début du processus, mais aussi par la suite, par exemple en raison des progrès accomplis dans l’apprentissage de la langue ou dans la pratique professionnelle.

Les évaluations du potentiel sont coordonnées par le service responsable du case management, qui accompagne les réfugiés et les personnes admises à titre provisoire tout au long de leur processus d’intégration. Ce service décide quelles évaluations doivent être effectuées par quel service spécialisé et à quel moment.

Une « boîte à outils » pour évaluer le potentiel La « boîte à outils » élaborée pour évaluer le potentiel comprend des formulaires, des aides méthodologiques et des guides harmonisés entre eux. Ces aides indiquent les divers procédés (entretien, évaluation pratique, test, etc.) qui permettent de déterminer les différentes ressources. Ainsi, les compétences linguistiques ou la motivation professionnelle peuvent être évaluées non seulement par des tests, mais aussi par des entretiens ou sur la base des retours obtenus des cours d’intégration ou des stages effectués. Les évaluations pratiques servent à déterminer les aptitudes artisanales, mais aussi les compétences sociales et personnelles, telles que la capacité à travailler en équipe, la fiabilité et la résistance au stress. Les responsables choisiront les outils appropriés suivant les ressources à évaluer pour une personne donnée à un moment donné.

La « boîte à outils » contient aussi des formulaires permettant de documenter le résultat des évaluations. Sur cette base, la personne responsable du cas décidera des étapes suivantes du plan d’intégration.

Une première version des différents instruments a été présentée à l’automne 2018. Après sa validation sous l’angle théorique, une phase de test avec des essais sur le terrain a eu lieu au premier semestre 2019. Les instruments ont été adaptés sur cette base. Ils seront à la disposition des cantons, en français, en allemand et en italien, dès le début de 2020. Le groupe d’accompagnement de l’organisation du projet comprenait des spécialistes de la Confédération et des cantons dans les domaines de la promotion de l’intégration, de la formation professionnelle, de l’aide sociale, de l’assurance-invalidité et du marché du travail, ainsi que des responsables de la formation au sein des associations professionnelles.

Rapporteuse spécialisée, division Intégration, Secrétariat d’État aux migrations (SEM).
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