Evaluation des structures nationales de la CII

Pour la première fois depuis sa mise en place en 2010, l’organisation CII nationale fait l’objet d’une évaluation. L’étude recommande notamment de préciser la définition des objectifs, des tâches et des priorités des trois organes CII nationaux, de définir les ressources requises et de supprimer le système de rotation tous les deux ans de la direction du bureau.
Marcel Egger
  |  08 décembre 2016
    Recherche et statistique
  • Collaboration interinstitutionnelle (CII)
  • Politique sociale en général

La collaboration interinstitutionnelle (CII) désigne la collaboration de plusieurs institutions dans les domaines de la sécurité sociale, de la formation et de l’intégration. Afin d’en assurer la coordination et de la développer, une organisation nationale comprenant trois organes a été instituée en 2010. L’assurance-chômage, l’assurance-invalidité, l’aide sociale, la formation professionnelle et, depuis 2011, le domaine de la migration et de l’intégration sont représentés au sein de ces trois organes. La présidence de l’organisation est assumée à tour de rôle, pour une période de deux ans, par chacune des autorités fédérales impliquées.

L’étude présentée ici a été mandatée à des chercheurs externes plus de quatre ans après la mise en place de la CII. Son objectif principal est d’examiner dans quelle mesure les structures CII nationales remplissent les tâches et répondent aux objectifs fixés dans la décision du 11 novembre 2010 intitulée Mise en place d’une organisation CII nationale pour la poursuite du développement de la collaboration interinstitutionnelle.

L’évaluation a compris trois volets :

  • une analyse de la documentation administrative (descriptions de projets, procès-verbaux des séances des organes CII nationaux, documents de base, etc.) ;
  • l’interview de dix-neuf membres des différents organes ;
  • une enquête en ligne auprès des coordinateurs CII de tous les cantons.

Objectifs de l’organisation CII nationale La décision instituant la CII a confié à l’organisation CII nationale la tâche de coordonner les institutions du système de la formation professionnelle et de l’insertion professionnelle en contact direct avec la population, dans le but d’améliorer les chances d’insertion des personnes concernées.

Si cet objectif général est incontesté, les interviews réalisées dans le cadre de l’étude montrent l’absence, au sein de l’organisation CII nationale, de définitions claires et d’unité de vue concernant plusieurs points : quels problèmes concernant quels groupes-cible relèvent de la compétence de l’organisation CII nationale ? Quels objectifs concrets faut-il poursuivre ? Quels champs d’action en découlent ? Qu’est-ce qui ne relève pas de la compétence de l’organisation CII nationale ? Les avis exprimés divergent en fonction des réponses apportées à deux autres questions : l’organisation CII nationale doit-elle chercher principalement à améliorer la collaboration en s’appuyant sur les bases légales et la répartition des compétences actuelles, ou doit-elle en outre envisager des possibilités d’optimisation qui nécessiteraient des changements dans l’attribution des compétences et dans les mandats des différentes institutions ?

Rôles, mandats et ressources des différents organes La décision instituant la CII prévoyait la mise en place d’une structure comprenant trois organes : un comité de pilotage, un comité de développement et de coordination (ci-après « comité de coordination ») et un bureau, dont la présidence tourne tous les deux ans (voir graphiqueG1). Le comité de pilotage se réunit une à deux fois par an. Il est chargé de coordonner les mesures d’insertion professionnelle, de fixer le cadre général et l’orientation politique de la CII, et de contribuer à optimiser la CII. Contrairement au comité de coordination, le comité de pilotage peut donner des instructions au bureau. Les quatre autorités fédérales représentées au sein du comité de pilotage (Secrétariat d’Etat à l’éducation et à la recherche [SER], Secrétariat d’Etat aux migrations [SEM], Secrétariat d’Etat à l’économie [SECO] et Office fédéral des assurances sociales [OFAS]) assument successivement la présidence tournante de l’organisation CII nationale. Le comité de coordination veille au développement de la CII et coordonne sa mise en œuvre au quotidien. Le bureau, quant à lui, est le centre de compétences de la Confédération en matière de CII. Il participe à la conception des activités de la CII, est l’interlocuteur fédéral pour toutes les questions concernant la CII et soutient le comité de coordination dans ses travaux de développement et de coordination. Le bureau et sa direction tournent en même temps que la présidence de l’organisation CII nationale.

La structure, la répartition des tâches et les processus de l’organisation CII correspondent très majoritairement aux prescriptions contenues dans la décision instituant la CII. Toutefois, certaines des tâches prévues ne sont pas accomplies. Cela est notamment dû aux ressources en personnel très limitées, à savoir de 0,8 à 1,4 équivalent plein temps au total pour les trois organes.

Prestations de l’organisation CII nationale Durant ses presque cinq années d’existence, l’organisation nationale CII a fourni un grand nombre de produits et de prestations qui correspondent tous aux objectifs fixés dans la décision instituant la CII. Les membres de l’organisation expriment des avis différents sur l’utilité de cette dernière. Certains estiment que ce qui a été réalisé jusqu’à présent correspond à ce qui était attendu ou pouvait être attendu. D’autres jugent les résultats obtenus décevants par rapport aux attentes initiales. L’évaluation de ce qui a pu être réalisé dépend, de manière déterminante, à la fois de l’idée que se font les personnes concernées des objectifs que doit avoir la structure CII nationale et de l’organe qu’elles représentent.

Point de vue des coordinateurs CII cantonaux sur l’organisation CII nationale Environ 38 % des coordinateurs CII cantonaux interrogés estiment que l’organisation CII nationale a fourni une contribution utile au développement de la CII dans leur canton (voir graphiqueG2). Ils sont ainsi plus de 60 % à considérer comme plutôt faible l’utilité de l’organisation CII nationale en la matière.

Parmi les possibilités d’amélioration citées par les coordinateurs cantonaux, la suppression du système de rotation de la direction du bureau national, considéré comme entravant les contacts entre structures cantonales et nationales, est la plus souvent mentionnée.

Potentiel d’amélioration L’étude fait apparaître différentes pistes d’amélioration dans les structures CII et formule les recommandations suivantes :

  • Il faudrait préciser la définition des objectifs, des tâches et des priorités des trois organes CII nationaux, et déterminer les ressources nécessaires.
  • Il y a lieu de mettre en place, au sein de la structure, une meilleure cohérence des tâches, des compétences et des responsabilités des trois organes. Le comité de pilotage devrait remplir davantage le rôle de pilotage qui lui incombe. Les processus décisionnels doivent pour cela être revus. Le comité de coordination devrait être rattaché directement au comité de pilotage, en tant que comité d’experts, et ses mandats ne devraient être transmis au bureau que par le comité de pilotage ou par la direction de ce dernier.
    Le bureau a actuellement pour tâche de soutenir à la fois le comité de pilotage et le comité de coordination sur le plan technique ou organisationnel. Il reçoit donc des mandats de ces deux organes, or seul le comité de pilotage est habilité à lui donner des instructions. Il en découle des problèmes dans les situations où le bureau, du fait de ses ressources limitées, est conduit à fixer des priorités dans ses tâches. Le comité de coordination ne peut exercer que peu d’influence en la matière.
  • En vue de préciser les objectifs et les tâches à venir, il y a lieu d’éliminer les points faibles suivants. Le but principal de l’organisation CII nationale est d’améliorer la CII et d’en poursuivre le développement aux niveaux national et cantonal. Il faut pour cela que les structures CII nationales identifient les champs d’action pertinents. Les informations doivent ainsi circuler entre les structures cantonales et les organes CII nationaux, selon un processus bottom-up. Or ce processus présente des faiblesses. D’abord, le bureau n’a ni le mandat explicite d’assurer un tel processus ni une obligation de résultat en la matière. En outre, il est douteux que les ressources actuelles soient suffisantes.
  • Enfin, il importe de supprimer la rotation de la direction du bureau tous les deux ans, et ce pour deux raisons :
  • La direction du bureau doit disposer de connaissances étendues sur les thèmes de CII auxquels sont confrontés les différents partenaires et connaître de manière suffisamment précise les processus clés de ces partenaires. Or ces connaissances ne peuvent pas être acquises en quelques mois.
  • Afin de pouvoir mettre en œuvre les innovations et les développements visés dans le domaine de la CII, il faut que l’un des organes de l’organisation CII nationale veille à ce que le contact avec les structures cantonales soit systématique, étroit et global. Or le bureau est le seul des organes nationaux qui, d’après les auteurs de l’étude et de nombreuses personnes interrogées, serait en mesure d’accomplir cette tâche. Et la rotation du bureau, direction comprise, tous les deux ans est un obstacle à la constitution de réseaux personnels avec les représentants des cantons.
Docteur ès sciences politiques, Partner Egger Dreher & Partner AG
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