Croissance modérée des prestations complémentaires

Fin 2015, 315 000 personnes touchaient des prestations complémentaires (PC) à l’AVS ou à l’AI, ce qui correspond à une augmentation de 1,8 % par rapport à 2014. Il s’agit de la deuxième plus faible croissance depuis 2000.
Urs Portmann, Jeannine Röthlin
  |  02 septembre 2016
    Recherche et statistique
  • Prestations complémentaires

Fin 2015, 315 000 personnes, soit un peu plus de 16 % des rentiers AVS et AI, touchaient des PC, ce qui correspond à une augmentation de 1,8 % par rapport à l’année précédente. Cette croissance est nettement inférieure à la moyenne annuelle de 3,0 % enregistrée depuis le début du siècle. Cela s’explique notamment par l’évolution des PC à l’AI, dont la croissance (0,9 %) a été inférieure à 1 % pour la première fois depuis plus de 20 ans. L’évolution observée depuis un certain nombre d’années se poursuit donc : le recul du nombre de rentiers AI se fait aussi sentir du côté des PC. Si ce recul n’a pas entraîné de baisse du nombre de bénéficiaires de PC, il se traduit par un ralentissement de la croissance, qui est inférieure à celle des PC à l’AVS1 depuis quelques années.

12,5 % des rentiers AVS touchent des PC Les PC à l’AVS ont enregistré une croissance plus importante, due principalement à la hausse de l’effectif des rentiers. Mais ce n’est pas la seule évolution : la hausse du nombre de bénéficiaires vivant à domicile est depuis longtemps légèrement supérieure à la moyenne, principalement en raison des cas concernés par le minimum garanti, à savoir les personnes qui ont droit uniquement à la prise en charge de leur prime d’assurance-maladie. Globalement, le nombre de bénéficiaires de PC et le nombre de rentiers de l’assurance-vieillesse connaissent une évolution parallèle, de sorte que le taux de PC est resté quasi inchangé (12,5 %) au fil du temps.

Le ralentissement observé en 2015 tient à la baisse de 0,2 % des bénéficiaires de PC vivant en home (cf. graphique G1). S’il s’agit du premier recul enregistré depuis l’an 2000, il ne fait que confirmer la tendance des dernières années. On constate en particulier une baisse du nombre de pensionnaires d’établissements médico-sociaux (EMS). Avec l’amélioration constante de l’offre d’aide et de soins à domicile, les séjours en EMS sont en effet moins fréquents ou moins longs. Par ailleurs, depuis l’introduction en 2011 du nouveau régime de financement des soins, une partie du financement n’incombe plus aux PC. Il est en outre probable que la situation financière des personnes très âgées se soit améliorée ces dernières années, puisqu’elles sont de plus en plus nombreuses à avoir un 2e pilier.

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Dynamique de l’évolution : 9 % de sorties et 11 % d’entrées La faible hausse des PC à l’AVS et à l’AI de 2015 cache des flux importants, qui permettent de mieux mettre en évidence la dynamique de l’évolution. Ainsi, 28 500 personnes, soit 9,2 % de l’effectif enregistré en début d’année, sont sorties du système des PC, tandis que 34 300 personnes, soit 11,1 % de l’effectif initial, ont acquis un droit aux PC (cf. graphique G2).

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Ces changements dépendent fortement de la situation d’habitation. Le nombre de bénéficiaires vivant à domicile a augmenté de 2,4 % en 2015, tandis que celui des bénéficiaires résidant en home a diminué de 0,2 %. Pour les premiers, le pourcentage des entrées est de 10,5 %, pour les seconds, de 13,1 %. La principale différence réside dans les sorties : 18,9 % des pensionnaires de home ne touchaient plus de prestations fin 2015, généralement parce qu’ils étaient décédés au cours de l’année. Chez les bénéficiaires de PC qui résident à domicile, les sorties ne représentent que 6,4 % de l’effectif initial. 2,0 % des bénéficiaires entrent dans un home, où ils continuent de percevoir des PC, augmentant de 6,7 % le nombre de pensionnaires de home touchant des PC.

En 2015, plus de 16% des rentiers de l’AVS ou de l’AI percevaient aussi des PC.

Quelle est la part de personnes qui touchent des PC pour la première fois lorsqu’elles entrent en home et celle des personnes qui en touchaient déjà auparavant ? 40 % des pensionnaires de home bénéficiant de PC en 2015 percevaient déjà des PC avant d’entrer en home. Ils étaient donc déjà tributaires de ces prestations lorsqu’ils vivaient à domicile, car leur revenu ne suffisait pas. Les 60 % restants ont touché des PC pour la première fois lors de leur entrée en home.

Les modifications varient aussi selon la branche d’assurance. Les nouvelles entrées dans le domaine des PC à l’AI font augmenter de 9,6 % l’effectif des bénéficiaires, alors que les sorties représentent seulement 5,7 % de cet effectif. Les changements d’assurance sont aussi importants. A l’âge de la retraite, la plupart des rentiers AI bénéficiant de PC continuent à percevoir cette prestation, tout en changeant de branche d’assurance. Dans le domaine des PC à l’assurance-vieillesse, les sorties et les entrées s’équilibrent à peu près, avec 11,9 % d’entrées et 11,3 % de sorties.

5 % des nouveaux retraités qui ne touchaient pas de PC à l’AI ont besoin de PC Environ 9 % des nouveaux retraités sont tributaires des PC (cf. tableauT1). 4 % touchaient déjà des PC à l’AI : leur situation financière était donc déjà précaire avant la retraite. 5 % seulement sont devenus tributaires des PC au moment d’arriver à la retraite. Par la suite, c’est au moment de l’entrée en EMS qu’on observe de nouvelles entrées dans le système des PC. Les personnes qui avaient un revenu suffisant tout au long de leur vie ne sont souvent pas capables d’assumer les frais de home par leurs propres moyens. Le taux de PC passe à 18,6 % chez les personnes de plus de 79 ans. Une petite partie d’entre elles seulement touchaient déjà des PC à l’AI.

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La durée de perception joue un rôle important dans l’évolution des prestations complémentaires. Les résultats présentés ci-après s’appuient sur les données individuelles fournies par les organes d’exécution cantonaux, voire communaux dans certains cas. Les données sont collectées par l’Office fédéral des assurances sociales depuis 1987. La durée de perception ne peut être calculée précisément que pour les personnes qui sont entrées et sorties du système des PC entre 1987 et 2015. C’est pour la cohorte des personnes qui sont entrées dans le système en 1988 que l’on dispose des données les plus complètes. L’exhaustivité des données diminue ensuite d’année en année. Il apparaît que la durée de perception est pratiquement indépendante de l’année d’entrée dans le système des PC. Environ 30 % des bénéficiaires touchent des PC pendant un à trois ans, et 45 % pendant un à six ans (cf. graphique G3).

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Nous pouvons fournir des informations plus détaillées sur la durée de perception pour les personnes entrées dans le système des PC en 1988. En moyenne2, ces personnes ont touché des PC pendant huit ans. La durée de perception dépend essentiellement de deux facteurs : la branche d’assurance et la situation d’habitation au moment de l’entrée dans le système. L’âge joue donc aussi indirectement un rôle.

Durée de perception en EMS : trois ans en moyenne La durée de perception est évaluée selon la situation au moment de l’entrée dans le système des PC, sans tenir compte des changements ultérieurs (passage des PC à l’AI aux PC à l’AVS), ainsi que selon la situation d’habitation, toujours au moment de l’entrée dans le système. Pour les bénéficiaires de PC vivant à domicile, on constate une différence nette entre les deux branches d’assurance. Alors que les retraités touchent en moyenne des PC pendant neuf ans, les bénéficiaires de PC à l’AI en sont tributaires pendant près de deux fois plus longtemps (cf. graphique G4). Quant aux pensionnaires de home, ils ne touchent des PC à l’AVS que durant trois ans. La durée de perception est par contre de 24 ans en moyenne pour les pensionnaires de home bénéficiant de PC à l’AI.

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Qui touche des PC un jour en est le plus souvent tributaire le reste de sa vie.

La plupart des personnes qui touchent des PC en sont tributaires jusqu’à la fin de leur vie. Pour quelles raisons les personnes sortent-elles du système des PC ? Le décès est la raison la plus fréquente. A ce niveau aussi, on relève des différences entre les groupes susmentionnés. Le décès est la cause de 80 % seulement des sorties du système pour les bénéficiaires de PC à l’AI qui vivent à domicile. Les autres motifs ne sont pas connus en détail. Dans la plupart des cas, il s’agit probablement d’un changement de la situation financière qui entraîne la perte du droit aux PC : soit une amélioration du revenu, soit une baisse des dépenses. Certains rentiers AI retrouvent le chemin du travail. Lorsque leur droit aux prestations de l’AI s’éteint, ils perdent aussi leur droit aux PC.

4,8 milliards de francs de dépenses au titre des PC Les PC versées en 2015 ont atteint 4,8 milliards de francs, soit une augmentation de 2,2 % par rapport à l’année précédente. Cette croissance est largement inférieure à la moyenne des années qui ont suivi 2008, date de la dernière révision des PC. Ce ralentissement s’explique principalement par l’évolution des PC à l’AI, dont la progression est moins marquée que celle des PC à l’AVS depuis neuf ans. Les dépenses pour les PC à l’AI3 représentaient 45,7 % du montant total des rentes AI en 2015. Cette part était deux fois moins élevée dix ans plus tôt. Ce pourcentage est nettement plus faible pour les PC à l’AVS, où les dépenses ne représentent que 7,9 % du total des rentes. Ce pourcentage était longtemps resté autour de 6 % ; son augmentation est due pour l’essentiel à la suppression du plafonnement des PC en 2008.

Depuis 2008, l’évolution des dépenses des PC peut être considérée sous un autre aspect encore, puisqu’une distinction est faite depuis lors, pour les PC périodiques (sans les frais de maladie), entre couverture du minimum vital et coûts supplémentaires liés au séjour en home. Pour les personnes qui vivent chez elles, l’intégralité des PC périodiques sert à garantir le minimum vital. Dans le cas des pensionnaires de home, pour déterminer la part du minimum vital, on calcule quel serait le montant des PC si la personne vivait chez elle. La Confédération assume 5⁄8 du minimum vital. La part qui ne sert pas à la couverture des besoins vitaux – c’est-à-dire les frais supplémentaires liés au séjour en home – est intégralement assumée par les cantons.

Une petite moitié des dépenses totales des PC est consacrée à la couverture des besoins vitaux. Cette somme a augmenté en moyenne de 3,2 % par année depuis 2008. Les frais supplémentaires liés au séjour en home ont pour leur part augmenté de 4,1 %. Ce taux de croissance ne permet toutefois guère de tirer des conclusions sur l’évolution des frais de home. En effet, de nombreux cantons ont réorganisé en profondeur le financement des frais de home en 2011, de sorte qu’une partie des frais n’est plus couverte par les PC. Ce sont les frais de maladie remboursés dans le cadre des PC qui ont connu la plus forte hausse (5,8 %). Ils ne représentent toutefois qu’un dixième des dépenses totales des PC.

  • 1. Par « PC à l’AVS », on entend ici uniquement les PC à l’assurance-vieillesse, et non les PC à l’assurance-survivants, qui sont peu nombreuses et présentent une tout autre structure. Nous employons l’expression « AVS » parce qu’elle est plus courante.
  • 2. Les moyennes présentées ici sont en fait des médianes. La médiane d’un ensemble de valeurs est la valeur qui permet de couper l’ensemble en deux parties égales. Une moitié des valeurs est inférieure à la médiane et l’autre moitié y est supérieure.
  • 3. Somme des rentes AI versées aux assurés vivant en Suisse.
Docteur ès philosophie, expert scientifique, secteur Mathématiques ; domaine Mathématiques, analyses, statistiques et standards, OFAS.
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Dipl. Math. ETH ; mathématicienne, secteur ­Mathématiques, domaine Mathématiques, ­analyses, statistiques et standards, OFAS.
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