AOS: progrès dans la maîtrise des coûts et dans la qualité

Durant la législature 2015-2019, l’action du Conseil fédéral s’est concentrée sur des mesures permettant de mieux maîtriser les coûts des prestations à la charge de l’assurance obligatoire des soins, tout en améliorant leur qualité – avec succès ! Les défis ne manqueront pas dans la législature qui commence.
Thomas Christen
  |  11 mars 2020
    Droit et politique
  • Assurance-maladie

La maîtrise des coûts et la qualité étaient des thèmes centraux lors de la dernière législature. Des mesures en ce sens ont déjà été concrétisées avec pour effet des augmentations de prime plus modestes lors des deux dernières années. Au cours de la prochaine législature, il sera important de trouver une solution durable pour limiter les admissions des médecins pratiquant à la charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS), de renforcer la qualité et l’économicité et de continuer à freiner les coûts de la santé et ainsi la hausse des primes-maladie.

Pilotage du domaine ambulatoire : sur les bons rails après un départ difficile La législature a commencé avec difficulté pour le Conseil fédéral en ce qui concerne le système de santé : lors de la 1e session, en hiver 2015, la toute nouvelle majorité du Conseil national refusait au vote final, par 97 voix contre 96, le projet de révision de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) relative au pilotage du domaine ambulatoire (Conseil fédéral 2015a). Il s’agissait de fixer à long terme la limitation de l’admission des médecins à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins, telle qu’elle avait été réintroduite en juillet 2013 pour une durée de 3 ans à l’art. 55a de la LAMal. Dans la foulée, le Parlement donnait le mandat au Conseil fédéral de chercher une nouvelle solution pour gérer l’offre dans le domaine ambulatoire, en impliquant les parties prenantes dès le début de ses travaux et sans négliger aucune piste. Il prolongeait aussi l’art. 55a pour une nouvelle durée de 3 ans.

Au terme d’intenses travaux, le Conseil fédéral a transmis son nouveau projet de révision au Parlement le 9 mai 2018 (Conseil fédéral 2018). Les cantons doivent recevoir un outil durable pour éviter une offre excédentaire et, par conséquent, une hausse des coûts. En plus, le Conseil fédéral doit pouvoir définir de nouvelles exigences qualitatives, pour tous les fournisseurs de prestations du domaine ambulatoire. À l’issue de la session d’hiver 2019, seules quelques divergences subsistent encore entre les versions des deux conseils. La voie est donc libre pour une solution durable dans ce domaine à partir du 1er juillet 2021, après que la dernière prolongation de l’art. 55a décidée par le Parlement sera arrivée à échéance.

Renforcement de la qualité et de l’écono­micité Presque le même sort attendait la révision visant à renforcer la qualité et l’économicité des prestations, que le Conseil fédéral avait transmise au Parlement le 4 décembre 2015 (Conseil fédéral 2015b) : le 16 juin 2016, le Conseil des États décidait de ne pas entrer en matière sur ce projet, qu’il jugeait trop bureaucratique. Cette fois, plutôt que de renvoyer le projet à son expéditeur, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N), décidait de retravailler elle-même le projet. Le Parlement finit par l’adopter le 21 juin 2019 (FF 2019 4293). Concrètement, les fédérations nationales des assureurs et des fournisseurs de prestations devront conclure des conventions nationales de qualité contraignantes : les fournisseurs de prestations devront impérativement respecter les règles fixées dans ces conventions pour pouvoir pratiquer à la charge de l’AOS. Ces conventions se baseront sur des objectifs fixés tous les quatre ans par le Conseil fédéral. Celui-ci sera soutenu par une nouvelle Commission fédérale de la qualité, qui réunira des représentants des cantons, des fournisseurs de prestations, des assurés, des assureurs et des spécialistes. Cette réforme représente une énorme avancée pour la qualité de notre système de santé.

Programme de maîtrise des coûts Face au problème de la hausse continue des primes, qui représente une des principales préoccupations des assurés, le Conseil fédéral se devait d’explorer toutes les pistes. Fin 2016, le Département fédéral de l’intérieur (DFI) a donc constitué un groupe réunissant 14 experts venant d’Allemagne, de France, des Pays-Bas et de Suisse. Ce groupe d’experts, placé sous la présidence de l’ancienne conseillère aux États et ancienne conseillère d’État du canton de Zurich Verena Diener, a élaboré un vaste catalogue de 38 mesures (Groupe d’experts 2017), dont le Conseil fédéral a pris connaissance fin 2017. Sur cette base, il a adopté un programme de maîtrise des coûts, qui sera soumis au Parlement en plusieurs étapes.

Un premier volet de mesures a été transmis au Parlement le 21 août 2019 (Conseil fédéral 2019). Ce volet comprend neuf mesures. Il prévoit notamment un article relatif aux projets pilotes, lequel doit permettre de mener des programmes innovants de maîtrise des coûts. Il s’agit également de renforcer le contrôle des factures par les assureurs et les assurés et d’introduire, d’une part, des réglementations sur les tarifs et le pilotage des coûts et, d’autre part, un système de prix de référence pour les médicaments dont le brevet a expiré. Enfin, la révision porte également sur l’introduction d’un droit de recours pour les fédérations d’assureurs en ce qui concerne les listes cantonales des hôpitaux, des maisons de naissance et des établissements médico-sociaux. Le projet contient donc des mesures concernant tous les groupes de coûts importants et devrait freiner durablement la hausse des coûts.

Un deuxième volet de mesures sera mis en consultation début 2020. Il sera axé sur la mise en place de la mesure relative à un objectif de maîtrise des coûts visant à limiter la hausse des coûts dans l’AOS. L’objectif est d’assurer la transparence des coûts générés par tous les acteurs et de rendre le système de santé plus efficace. Ce volet visera également à renforcer les soins coordonnés.

Mesures immédiates Au-delà de ces propositions au Parlement, le Conseil fédéral, le DFI et l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ont pris des mesures immédiates pour lutter contre la hausse des coûts, obtenant ces dernières années des économies de près d’un milliard de francs.

Dans le domaine tarifaire, après une première adaptation en 2014, le Conseil fédéral a adopté une nouvelle modification de la structure tarifaire pour les prestations médicales (TARMED) au 1er janvier 2018 (RO 2017 6023). Les adaptations entreprises rectifient des tarifs surévalués dans certains domaines et créent une structure tarifaire plus appropriée. Ces adaptations devraient permettre de réaliser des économies annuelles de l’ordre de 470 millions de francs.

En outre, le DFI a établi avec l’ensemble des acteurs concernés une liste, valable depuis le 1er janvier 2019, comportant six groupes d’interventions, qui ne sont dorénavant en principe prises en charge par l’AOS que si elles sont réalisées en ambulatoire. Depuis, plusieurs cantons ont introduit leurs propres listes, qui comportent d’ores et déjà plus d’interventions que celle du DFI.

Enfin, dans le domaine des médicaments, l’OFSP a passé en revue presque tous les médicaments de la liste des spécialités entre 2017 et 2019, selon les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité, à raison d’environ de 1000 médicaments par année. Plus de la moitié des médicaments (env. 55 %) ont vu leur prix baisser de près de 17 % en moyenne à la suite de cet examen, ce qui a généré des économies de l’ordre de 450 millions de francs par année. Le cycle de réexamen triennal recommencera en 2020.

Sur le front des primes Toutes ces mesures pour lutter contre la hausse des coûts ont porté leurs fruits : en 2019, les primes ont augmenté en moyenne bien moins fortement que les années précédentes et en 2020, la hausse a été pratiquement nulle. Dans certains cantons, les primes ont même baissé.

Les enfants et les jeunes adultes en ont le plus profité, grâce à une révision de la LAMal initiée par la CSSS-N. Cette révision, basée sur deux initiatives parlementaires de Ruth Humbel (10.407) et de Stéphane Rossini (13.477), a été adoptée par le Parlement le 17 mars 2017, avec le soutien du Conseil fédéral (RO 2018 1843). Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Concrètement, les cantons doivent dorénavant subventionner les primes des enfants (80 %) et des jeunes adultes en formation (50 %) pour les bas et moyens revenus. Cette révision a aussi permis de diminuer les primes pour les jeunes de 19 à 25 ans, en allégeant la compensation des risques de 50 % pour cette catégorie d’assurés.

De son côté, le DFI a continué à affiner la compensation des risques pour tous les assurés en remplaçant à partir de 2020 l’indicateur « coûts des médicaments au cours de l’année précédente » – introduit de manière transitoire en 2017 comme indicateur supplémentaire dans la compensation des risques – par les groupes de coûts pharmaceutiques (PCG). Cela permettra de réduire encore davantage les incitations à la sélection des risques.

Coup d’œil sur la 51E législature Le menu de la législature qui commence s’annonce particulièrement riche pour le domaine de l’assurance-maladie pour le Parlement, il s’agira tout d’abord de boucler la révision relative à l’admission des fournisseurs de prestations. Pour qu’elle puisse prendre le relais de la limitation (RO 2019 1211) qui arrivera à échéance le 30 juin 2021. Sans nouvelle prolongation, une décision devra être prise rapidement et indépendamment de la révision du financement uniforme des prestations (FF 2019 3449). Cette dernière, nécessaire pour éliminer les incitations indésirables dues au financement différent des prestations ambulatoires et stationnaires, n’en est encore qu’au début du processus parlementaire (initiative parlementaire Humbel 09.528, Financement moniste des prestations de soins). Enfin, le Parlement devra s’emparer du premier volet de mesures de maîtrise des coûts, pour que ces mesures puissent prendre effet au plus vite. Le deuxième volet de mesures pourrait suivre en 2021 déjà.

Le Conseil fédéral, quant à lui, va mettre en consultation les ordonnances mettant en œuvre la révision de la LAMal relative au renforcement de la qualité et de l’économicité des prestations, adoptée par le Parlement en 2019. Dès que la révision de la LAMal relative à l’admission des fournisseurs de prestations sera adoptée, il élaborera et mettra en consultation les nouvelles règles le plus vite possible.

Par ailleurs, deux initiatives populaires ne manqueront pas de venir pimenter les discussions. Celle du Parti socialiste veut limiter la charge des primes à 10 % du revenu disponible des assurés et augmenter la part de la Confédération. L’initiative du PDC veut de son côté introduire un mécanisme de frein aux coûts, pour éviter que ceux-ci n’augmentent plus vite que les salaires et l’économie.

Vice-directeur et responsable de l'unité de ­direction Assurance-maladie et accidents, OFSP.
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