Analyse des prix et de la qualité de la fourniture d’appareils auditifs

Pour la deuxième fois depuis l’introduction du système de remboursement forfaitaire, en 2011, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a fait examiner ses effets sur les prix et la qualité de la fourniture d’appareils auditifs. De son point de vue, le changement de système n’a permis que partiellement d’atteindre le but souhaité, à savoir une réduction des coûts.
Ursula Schneiter, Martin Wicki
  |  17 décembre 2020
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Avant le 30 juin 2011, la fourniture d’appareils auditifs était remboursée selon un tarif plafonné. Au vu des coûts élevés qu’il engendrait, ce système tarifaire essuyait de plus en plus de critiques, l’essentiel d’entre elles visant le manque de concurrence existant sur le marché des appareils auditifs et le rapport incertain entre le degré de perte auditive et le coût d’un appareillage. Un nouveau système prévoyant des montants forfaitaires uniformes a par conséquent été introduit le 1er juillet 2011 pour remplacer l’ancien système tarifaire.

Dans le nouveau système, les forfaits sont versés directement aux personnes assurées à partir d’un certain degré de perte auditive. Ces forfaits ont été calculés sur la base du marché allemand des appareils auditifs, comparable au nôtre, et fixés à un niveau supérieur de 50 % pour tenir compte des coûts plus élevés de la main-d’œuvre en Suisse. La fourniture d’appareils auditifs englobe l’appareil lui-même et les prestations de service telles que conseils, ajustement, entretien et suivi. Les forfaits couvrent toutes ces prestations. Les coûts des piles et les frais de réparation sont remboursés via des forfaits correspondants.

L’OFAS escomptait que le nouveau système renforce la concurrence sur le marché des appareils auditifs et amène une baisse des prix des appareils et des prestations de service sans que la qualité des produits n’en pâtisse. Il espérait que le fardeau financier de l’AVS et de l’AI, qui remboursent ces forfaits, en serait allégé. La branche des appareils auditifs, elle, s’attendait à ce que le changement de système entraîne une forte pression sur les prix. En 2019, l’OFAS a commandé pour la deuxième fois une étude sur les effets du passage du système tarifaire au système forfaitaire. Nous résumons ci-après les principaux résultats et conclusions de l’étude et présentons les avis des auteurs et autrices ainsi que de l’OFAS.

Méthodologie L’étude présentée ici trouve son origine dans les deux rapports qui avaient examiné la qualité (Sander/Albrecht 2013) et l’évolution des prix de la fourniture d’appareils auditifs (Koch et al. 2014) immédiatement après le changement de système. Elle combine également des méthodes de recherche quantitatives et qualitatives. Pour permettre des comparaisons avec les premières études, elle a repris les questionnaires utilisés alors et les a complétés ponctuellement par des questions destinées à élucider la raison des suppléments de prix payés par rapport au montant forfaitaire remboursé. Plus de 2000 personnes ont participé au sondage, ce qui représente un taux de réponse fort réjouissant de 53 %. Dans un second temps, des entretiens avec des experts et expertes ont été menés sur la qualité de la fourniture.

Qualité de la fourniture d’appareils auditifs La qualité a été mesurée à l’aune de la satisfaction apportée notamment par les paramètres suivants : prestations de service, appareil, durée du port, suppléments de prix et niveau d’information.

Au vu des résultats des deux sondages, on peut dire que la qualité de la fourniture d’appareils reste à un niveau toujours aussi élevé depuis le changement de système : la satisfaction est subjectivement grande et la durée moyenne du port des appareils a considérablement augmenté avec le système forfaitaire. Une bonne majorité des personnes interrogées portent leurs appareils tous les jours et plus de huit heures par jour. Satisfaction et taux d’utilisation sont aussi très élevés en comparaison internationale.

Qualité des prestations de service À l’exception des prestations de suivi, le nombre de séances d’ajustement et de prestations de service nécessitées est tendanciellement plus bas. Les appareils tests sont moins demandés, peut-être aussi moins souvent proposés. Le fait que le nombre de prestations ait reculé depuis l’introduction du système forfaitaire, alors que le degré de satisfaction reste élevé, laisse à penser que les prestations de service sont plus conformes aux besoins dans le nouveau système.

Les experts et expertes mettent aussi le recul du volume des prestations sur le compte des progrès techniques. Un avis plausible au vu du degré de satisfaction élevé, de l’intégration des personnes porteuses d’appareil et de la stabilité des taux d’utilisation. Le fait que les assurés souffrant de pertes auditives sévères et ceux qui se font équiper pour la première fois aient besoin de nettement plus de séances d’ajustement que ceux dont la perte auditive est légère et ceux qui sont équipés depuis un moment plaide aussi en faveur d’un appareillage plus conforme aux besoins.

Les informations recueillies sur le nombre de séances d’ajustement nécessitées par les enfants et dans les cas de rigueur se sont révélées étonnantes. Par rapport à la fourniture standard, les assurances remboursent davantage pour ces ajustements. Pourtant, seuls 10 % des enfants ont besoin d’au moins cinq séances d’ajustement, et une à cinq séances sont nécessaires dans plus de 60 % des cas de rigueur. On peut donc se demander si le surplus de travail invoqué par les personnes concernées et par les fournisseurs est justifié.

Qualité des appareils auditifs La qualité des appareils auditifs s’est améliorée avec les progrès de la technique, raison pour laquelle les appareils situés dans le segment de prix inférieur ont eux aussi été revalorisés. De plus, la proportion des appareils auditifs les plus perfectionnés techniquement dans le nombre des ventes a nettement progressé. Les progrès techniques mentionnés comprennent notamment une meilleure puissance de calcul des puces, des logiciels plus complets et la possibilité d’utiliser différents programmes auditifs. Dans la présente enquête, la part des appareils auditifs de la catégorie supérieure dans le total des ventes a considérablement augmenté par rapport aux deux précédents sondages.

Réparations L’exploitation des données concernant la probabilité d’une réparation révèle que les personnes porteuses d’appareils auditifs exercent une influence décisive sur l’éventualité d’une réparation de leur appareil. La conception de l’appareil joue elle aussi un rôle. La marque a davantage d’effet sur la probabilité d’une réparation qu’on ne le pensait. Les appareils Phonak sont ceux qui en nécessitent le plus, tandis que ceux des autres fabricants enregistrent généralement une probabilité de réparation inférieure (entre 3,7 et 20,8 points de pourcentage). Cette différence pourrait éventuellement s’expliquer par le fait que les appareils portés par les enfants sont souvent de la marque Phonak.

Satisfaction et suppléments de prix Plus de 80 % des personnes interrogées étaient très ou plutôt satisfaites de la fourniture, le service et le suivi étant les domaines où la satisfaction est supérieure à la moyenne. Il est intéressant de noter que les assurés qui ont payé le supplément le plus élevé pour leurs appareils et celles qui n’en ont pas payé sont les plus satisfaites (voir graphique G1).

Niveau d’information des assurés Le niveau d’information de toutes les personnes interrogées avant l’achat d’appareils auditifs n’a cessé de baisser depuis le changement de système. Directement après, elles se sont senties moins bien informées dans le système forfaitaire que dans le système tarifaire (voir graphique G2). Dans le présent sondage, la part des personnes suffisamment informées était encore plus faible que lors des précédents. Les bénéficiaires de rentes AVS et les personnes équipées pour la première fois étaient généralement moins bien informés que les personnes assurées de l’AI et les personnes portant déjà des appareils auditifs. Ces observations pourraient être dues à la plus grande diversité des prestations de service et à la plus grande souveraineté des consommateurs et consommatrices. Le niveau d’information des assurés sur les offres de conseil des organisations de personnes malentendantes reste lui aussi bas.

Résultats de l’analyse des prix L’étude qui s’est penchée sur l’évolution des prix juste après le passage du système tarifaire au système forfaitaire (Koch et al. 2014) a constaté une augmentation de la concurrence dans la branche des appareils auditifs. La présente étude ne fournit aucun indice du fait que la concurrence se serait encore accrue depuis.

Effet concurrentiel « L’énorme pression sur les prix » augurée par la branche des appareils auditifs ne s’est pas confirmée dans l’ampleur attendue. L’analyse de régression a certes montré une baisse des prix de la fourniture des appareils de 9,2 %, mais, compte tenu de l’évolution de la demande, les assurés de l’AVS et les enfants uniquement ont bénéficié d’une fourniture d’appareils durablement meilleur marché, d’environ respectivement 8 % et 5 % par rapport au système tarifaire. Pour les assurés de l’AI, si le montant total des coûts de la fourniture avait reculé d’environ 6 % par rapport au système tarifaire dans les deux premières enquêtes, il est aujourd’hui revenu au même niveau que dans ce système.

Il semble que la concurrence ait surtout joué jusqu’ici entre les centres de remise, moins entre les fabricants d’appareils auditifs. Les résultats des analyses de régression séparées pour les coûts des prestations de service et ceux des appareils en sont aussi des indices : tandis que les prix des prestations de service ont diminué d’environ 19,4 %, les prix des appareils ont baissé seulement de 5,7 % en moyenne. Il faut rappeler, pour évaluer les effets de la concurrence, que la séparation entre prix des prestations de service et prix des appareils ne peut être parfaite en raison de l’hétérogénéité des modes de facturation. De plus, le changement de système a entraîné une réduction du volume des prestations de service, ce qui fausse la comparaison. Les centres de remise sont libres de fixer eux-mêmes leurs marges et leurs tarifs horaires.

Le marché des appareils auditifs affiche une concentration relativement forte. Au cours des années passées, il y a eu plusieurs fusions et rachats, les fabricants connaissant également davantage d’intégration verticale : pour augmenter leurs parts de marché et élargir leur offre, nombre d’entre eux ont racheté des centres de remise et repris toutes les tâches de la fourniture d’appareils auditifs. Grâce à ce genre d’opération, ils sont en mesure de distribuer directement leurs appareils auditifs au client final, de concevoir leurs processus de distribution de manière plus efficace et d’accroître leurs marges. Cela explique aussi en partie pourquoi les baisses de prix se sont surtout produites dans le domaine des prestations de service.

Selon les données de facturation examinées, 45 % des appareils auditifs vendus sont d’une marque appartenant à Sonova Holding SA (p. ex. Phonak et Hansaton). 20 % proviennent du groupe William-Demant (p. ex. Oticon et Bernafon), 9 % de chez Widex et 8 % de chez Signia, Widex et Signia ayant fusionné en 2019 pour former WS Audiology. Le groupe GN dispose lui aussi d’environ 8 % de part de marché (avec p. ex. ReSound, Interton) ; KIND représente environ 4 % des ventes de tous les appareils auditifs de l’échantillon et Sonetik, environ 2 %. La part de marché des appareils Sonetik, distribués par les pharmacies, est sans doute sous-estimée. Comme ils sont comparativement bon marché, on peut supposer que de nombreuses personnes renoncent à demander les forfaits auprès de l’AI ou de l’AVS. En conséquence, ces ventes n’apparaissent pas dans leur statistique. Les quatre plus grands fabricants se partagent plus de 90 % du marché, Sonova étant sans conteste leader sur le marché suisse.

Un appareillage plus conforme aux besoins, mais un marché qui ne fonctionne pas Pour environ un quart des personnes assurées, l’ensemble des coûts d’un appareillage auditif est plus bas dans le système forfaitaire que dans le système tarifaire ; pour 10 %, il est au contraire plus élevé. C’est aussi ce qu’indique la nette progression des ventes des appareils auditifs les plus perfectionnés techniquement. Les experts et expertes expliquent cette évolution par la grande disposition de principe des consommateurs et consommatrices suisses à payer pour leurs exigences élevées en termes de qualité et de fonctionnalités.

Une analyse de régression de l’ensemble des coûts d’appareillage, différenciée selon les assurances, révèle que les coûts pour les personnes assurées de l’AVS ont baissé après le changement de système. Pour les personnes assurées de l’AI, l’effet a disparu alors que les coûts avaient reculé d’environ 6 % après le changement de système. L’explication semble résider dans le fait que les personnes assurées de l’AI choisissent aujourd’hui des appareils (encore) plus chers. Les coûts des appareils destinés aux enfants ont pour leur part reculé d’environ 5 % après le changement de système.

Les facteurs déterminant le choix d’un appareil auditif sont les exigences individuelles envers le type et les équipements de l’appareil, l’ampleur et la qualité des prestations de service, les caractéristiques du centre de remise et naturellement aussi les éventuelles restrictions financières. C’est ce que montrent les résultats du sondage : environ 40 % des personnes assurées ayant opté pour un appareillage sans supplément de prix ont accepté une baisse de la qualité pour des raisons financières. Cela ne signifie toutefois pas qu’ils jugent cette baisse de qualité de manière négative ou que les appareils sans suppléments de prix soient de mauvaise qualité.

Les analyses descriptives révèlent que l’étendue des coûts totaux d’appareillage a augmenté après le changement de système, aussi bien dans l’AVS que dans l’AI, et qu’elle est restée élevée par la suite. Les assurés peuvent donc s’appareiller à moindres frais dans le système forfaitaire, mais aussi débourser plus d’argent.

Sur un marché qui fonctionne, on s’attend à un élargissement des segments de prix supérieurs aussi bien qu’inférieurs. Une évolution qui a été constatée dans le cadre de la présente étude et qu’il faut considérer comme un indice du fait que les personnes assurées choisissent mieux leurs appareils en fonction de leurs besoins individuels et optimisent leurs exigences en matière de rapport prix-prestation. Cela n’est cependant possible que lorsqu’elles sont informées sur l’offre existant sur l’ensemble du marché et qu’elles peuvent juger de la valeur de cette offre. Les sondages montrent toutefois que le niveau d’information subjectif des personnes concernées à baissé (voir graphique G2). Le large assortiment de produits, la complexité des appareils auditifs et la diversité des « paquets » de prestations engendrent un manque de transparence du marché et une asymétrie dans l’information, rendant toute comparaison difficile pour les profanes et faisant ainsi obstacle à la concurrence. De l’avis de la majorité des experts et expertes, il est donc difficile, voire impossible pour les consommateurs et consommatrices d’évaluer le rapport prix-prestation. Il faut donc partir du principe qu’il existe une asymétrie entre personnes acheteuses et vendeuses en matière d’information. Il est toutefois impossible de juger si les secondes en tirent parti et dans quelle mesure.

Appareillage des enfants Pour ce qui est de l’appareillage des enfants, les coûts effectifs sont remboursés à concurrence d’un montant maximal depuis le changement de système. En conséquence, les suppléments de prix moyens ont significativement baissé par rapport au système tarifaire ; dans le même temps, on a observé une concentration des coûts totaux autour des montants d’assurance maximaux. Cela a eu pour effet, parallèlement à une baisse des coûts des appareils les plus chers, que les modèles les moins chers se sont aussi axés sur les montants maximaux et que leurs prix ont par conséquent augmenté. Le travail d’ajustement des appareils destinés aux enfants est abordé au chapitre « Qualité des prestations de service ».

Cas de rigueur L’appareillage auditif dans les cas de rigueur relève de l’AI. Celle-ci escompte des dépenses plus élevées et des coûts généraux supérieurs, en comparaison avec la fourniture standard, surtout en ce qui concerne les prestations de service. C’est pourquoi elle finance aussi des coûts qui dépassent le montant forfaitaire. Les données ne confirment toutefois pas cette hypothèse, qui est également défendue par les experts et expertes (voir le chapitre « Qualité des prestations de service »). Les principales différences s’observent entre les coûts des appareils auditifs, qui peuvent s’expliquer par le fait que les cas de rigueur requièrent des appareils présentant un niveau technique plus élevé. Les différences de prix de modèles identiques entre l’appareillage standard et celui pour les cas de rigueur signalent par ailleurs que les centres de remise prennent des marges plus élevées sur les appareils dans les cas de rigueur.

Montant des forfaits Les données exploitées montrent que les forfaits d’assurance que l’OFAS verse pour financer une fourniture simple et adéquate permettent de s’équiper sans supplément de prix dans le système forfaitaire. Aussi bien dans l’AI que dans l’AVS, des fournitures ont été réalisées à des coûts inférieurs aux forfaits remboursés par les assurances. Du fait de l’élargissement de l’offre dans le segment de prix inférieur, la proportion des appareils fournis sans supplément de prix dans l’AVS a même augmenté dans le système forfaitaire par rapport au système tarifaire, et ce, malgré des prestations d’assurance fortement réduites.

Une bonne part des acheteurs d’appareils auditifs ont cependant déboursé un supplément de prix. Les motifs les plus fréquents des assurés AI étaient une meilleure compréhension et la qualité sonore (47 %, y compris dans les cas de rigueur, avec 66 %, et pour les enfants, avec 48 %). Le montant des suppléments de prix a quant à lui joué un rôle moins important dans la prise de décision.

Les analyses montrent que la part des appareillages auditifs sans supplément de prix dépend aussi du centre de remise choisi. Il en existe où il est possible d’obtenir sans problème des appareils sans supplément de prix, tandis que cela semble plutôt difficile dans d’autres.

Recommandations des auteurs de l’étude Le système forfaitaire, qui laisse le plus de liberté de choix possible dans l’équipement en appareils auditifs, est de l’avis des auteurs un meilleur modèle que le système tarifaire. Comparé à ce dernier, il permet aux assurances de faire des économies sans nuire à la qualité et d’obtenir certains effets sur les prix.

Les asymétries dans l’information ont tendance à exister sur tous les marchés. Elles ne se révèlent problématiques qu’à partir du moment où le côté le mieux informé du marché se comporte de manière opportuniste et exploite régulièrement et sciemment son avantage pour fausser le marché aux dépens de l’autre côté. Pour que les assurés puissent orienter leur décision d’achat en fonction de leurs préférences individuelles en matière de rapport utilité-coût et que la concurrence puisse mieux jouer, il faudrait réduire l’asymétrie dans l’information et augmenter ainsi la transparence sur le marché. Les solutions relativement simples qui permettraient aux assurés de réduire ces asymétries sont déjà connues : il est aujourd’hui déjà possible de réunir les offres de différents centres de remise ou de choisir des centres de remise qui proposent plusieurs appareils auditifs à l’essai. Internet est également une source d’information, tout comme les médecins traitants. Les organisations de personnes malentendantes fournissent des notices, et les services publics tiennent des listes d’appareils auditifs et ont édicté des prescriptions concernant l’appareillage des enfants. Pour que des effets se fassent sentir, il faut faire mieux connaître l’offre existante. On pourrait aussi imaginer d’obliger légalement les centres de remise à indiquer ce que l’OFAS considère comme une fourniture simple et adéquate. Une vaste intervention sur le marché pourrait également obliger les audioprothésistes à proposer au moins une de ces fournitures. Par ailleurs, il faudrait faire mieux connaître l’offre d’information des organisations de personnes malentendantes.

Les auteurs estiment que le montant des forfaits standard de l’AI et de l’AVS est suffisant. C’est aux audioprothésistes qu’il incombe d’apprécier dans quel segment de prix ils veulent se positionner. Le niveau auquel les forfaits évoluent actuellement crée des incitations ou des avantages en faveur d’offres très efficientes que les grandes entreprises ou chaînes pouvant profiter d’effets d’échelle peuvent probablement mieux fournir que les petites entreprises.

En ce qui concerne les cas de rigueur, il faut ajuster le système. Car force est d’admettre que les centres de remise semblent répercuter sur les prix des appareils auditifs les prestations de service que l’AI ne rembourse pas. Cette hypothèse est étayée par l’analyse de régression des prix, qui a montré que les mêmes appareils auditifs sont plus chers dans les cas de rigueur que pour les cas standard de l’AI.

Le traitement spécial des fournitures pour enfants est judicieux du point de vue des auteurs et autrices, car leur appareillage doit être optimal pour assurer le bon développement du langage, et les incitatifs économiques ne devraient donc être utilisés qu’avec modération.

Conclusions du point de vue de l’OFAS Si on a constaté une baisse moyenne des prix de 9,2 % au total sur toutes les fournitures d’appareils auditifs, les assurés de l’AVS et les enfants uniquement profitent d’une fourniture durablement meilleur marché compte tenu de l’évolution de la demande pendant la période, avec une économie d’environ respectivement 8 % et 5 % par rapport au système tarifaire. Ce sont surtout les coûts des prestations de service qui ont chuté, de 19,4 %, les appareils auditifs n’étant quasiment soumis à aucune concurrence des prix. Le recul des coûts des prestations de service s’explique sans doute par le fait que le changement de système a plutôt corrigé un surapprovisionnement dans le système tarifaire qu’entraîné un sous-approvisionnement. En conséquence, on manque d’indices permettant d’affirmer que le niveau des prix aurait baissé. Car 85 % des personnes assurées nécessitent au maximum cinq séances d’ajustement, et les centres de remise exigent pour cette prestation 1400 francs en moyenne pour un appareillage binaural. L’OFAS en conclut que les tarifs horaires des centres de remise restent très élevés.

De toute évidence, les suppléments de prix versés par les personnes assurées ont encore augmenté. Il est par ailleurs inquiétant de voir que les marges sur les appareils auditifs fournis dans les cas de rigueur sont plus élevées que sur les modèles identiques relevant de la fourniture standard et que, manifestement, seuls 10 % des appareils fournis aux enfants nécessitent plus de cinq séances d’ajustement.

Les résultats que l’OFAS attendait du système forfaitaire n’ont été que partiellement atteints. Les coûts des appareils, notamment, n’ont guère baissé, bien que leur prix de vente puisse être jusqu’à vingt fois plus élevé que leurs coûts de production.

Le fait que la concurrence ne joue pas davantage sur les prix tient d’une part à la sensibilité aux prix des personnes porteuses d’appareils auditifs, qui est manifestement faible. La baisse du niveau individuel d’information et l’absence de transparence du marché, due à diverses raisons, permettent de conclure d’autre part que les suppléments de prix élevés s’expliquent, du moins en partie, par l’asymétrie dans l’information, dont profitent surtout les centres de remise.

Au vu des effets à son avis insuffisants du changement de système, l’OFAS considère qu’il faut à nouveau intervenir dans le domaine de la fourniture d’appareils auditifs. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États a déposé en 2019 un postulat (19.4380) chargeant le Conseil fédéral d’examiner l’opportunité d’un système de prix pour les moyens auxiliaires qui tienne compte des progrès techniques d’une part et contrôle les surplus de coûts en découlant d’autre part, de sorte que les moyens auxiliaires apportent vraiment une plus-value aux personnes assurées. Dans ce contexte, l’OFAS évaluera aussi les appareils auditifs. Le rapport que le Conseil fédéral adoptera sur les résultats des enquêtes servira de base aux décisions qui seront éventuellement prises dans le domaine des moyens auxiliaires, ce qui aura à son tour un impact sur le pilotage mené par OFAS dans le domaine de la fourniture d’appareils auditifs.

Spécialiste des moyens auxiliaires, 
domaine Assurance-invalidité, OFAS.
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Lic. phil. I, secteur Recherche et évaluation (jusqu'à fin octobre 2021), OFAS.
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